4 Avril 2017 : Thiès, Capitale du rail ou ville garnison
Thiès, la cité ouvrière pour certains, ville rebelle pour d’autres, autrefois appelée Dianxène, n’est pas seulement la capitale du Rail. Elle est aussi une ville garnison. Avec l’une des plus grandes bases militaires des armées du Sénégal, Thiès reste la deuxième ville de la base de l’armée de l’air tout comme elle concentre l’essentiel des forces de réserve générale. Retour sur la militarisation de la cité du Rail.
La ville de Thiès n’est pas seulement ce carrefour du Kajoor qui se distingue par sa voie ferrée. Elle est également une cité militaire par excellence. Quelque part où mènent des chemins détournés contournant, dès l’entrée la ville, des tronçons insoupçonnés qui s’isolent de l’axe de la Voie de contournement nord (Vcn), est nichée la partie garnison de la ville.
Aux confins du quartier Diakhao et à la lisière de l’Université de Thiès se dresse sur un espace quelconque : le Centre d’Entrainement Tactique. Nous sommes au cœur de la base des forces de la zone militaire n°7. Rien, même pas un panneau signalétique n’indique au visiteur qu’il est sur un terrain militaire. Sous le regard bienveillant des sentinelles, ce qui est appelé communément la «Base», certainement en référence au détachement de l’armée aérienne coloniale qui y avait élu ses quartiers, s’offre au regard du visiteur.
La caserne est un concentré qui englobe l’Ecole d’application d’infanterie (Eai), l’Ecole nationale des Officiers d’active (Enoa), les Bataillons des Commandos, des Blindés, le Centre d’entraînement tactique. Lequel centre joue un rôle important dans la préparation des troupes au combat. Thiès abrite également un centre d’entrainement situé dans la commune de Mont Rolland.
Les débuts de cette présence militaire à Thiès remontent au milieu du dix-neuvième siècle. A l’époque, une seule route jalonnée de postes reliait le Baol aux comptoirs de Rufisque. Une route très fréquentée par les voyageurs et autres caravaniers qui malheureusement étaient régulièrement victimes de pillages et d’attaques de la part de redoutables coupeurs de route que certains disent appartenir, à tort ou à raison, aux tribus sérères-nones. Ainsi, le village de Thiès, situé à la jonction de deux régions : le Diender et le Diobass, servant de repaire aux voleurs et aux produits de leurs rapts et constituant par conséquent une menace pour les populations locales et les caravaniers, le commandement de Gorée le fit incendier en 1862.
Et, pour assurer la sécurité de la région, un poste militaire fut érigé à Pout. Un poste qui sera déclassé en 1885, à mi–chemin entre Rufisque et Thiès, à l’extrémité ouest du site dit «Ravin des voleurs » communément appelé Alou Kagne du nom du très célèbre coupeur de route, Kagne. Mais des sérères et des « gens du Diobass » prirent d’assaut le poste deux mois plus tard. Huit des treize hommes de la garnison périrent dans ce massacre. Le poste fut bientôt réoccupé.
En Mai 1864, le lieutenant-colonel de Génie Pinet Laprade, alors commandant supérieur de Gorée et dépendances, lança en représailles une grande offensive contre l’ensemble des villages ayant participés à l’attaque et les habitants de Pout soupçonnés de s’être livrés à l’espionnage, furent fusillés. Sous son autorité, le défilé de Thiès, propice aux embuscades, fut déboisé et une route large de 20 mètres construite entre Pout et Thiès. Dans le même temps, grâce à une main d’œuvre constituée d’officiers, de soldats et de volontaires, un fortin provisoire, conçu pour une garnison d’hommes s’érigea sur les ruines du village de Thiès incendié deux ans plus tôt.
Cette construction est située à l’entrée du seul point d’accès facile, traversant le rebord du plateau de Thiès à l’extrémité orientale du « Ravin des voleurs ». Erigé en 1864, les conditions d’hébergement de la garnison posèrent très rapidement des problèmes. En 1867, la totalité de la garnison sauf cinq hommes se vit installer dans des cases à l’extérieur du fort. La baraque destinée au logement ayant été transportée ailleurs.
En 1868, il fut question d’ériger deux baraques en maçonnerie, mais le projet tarda à se réaliser, à la fin de l’année 1869, on procéda à des réparations, complétées par la suite par la construction d’un bâtiment destiné au logement du commandant et du médecin et d’un magasin à poudre. En 1877, Joseph Gallieni, le futur maréchal de France, commanda le fort qui, en 1879, allait subir les réaménagements nécessaires pour se présenter comme la construction durable que l’on voit actuellement, la palissade d’origine ayant été remplacée par un mur crènelé doté de solides fondations.
La construction militaire offre alors l’originalité de ne compter sur le nouveau mur d’enceinte que deux bastions au lieu de quatre, placés en diagonale. Avant la fin du siècle, notamment parce que le chemin de fer permettait de transporter rapidement des forces vers les points menacés, le projet d’abandonner le fort fut proposé avant d’être rejeté. D’autres constructions militaires : un quartier de cavalerie et ses dépendances près de la voie ferrée, des bâtiments de casernement, des logements pour familles de militaires, apparurent à partir de 1894.
Le nombre d’hommes dans le poste augmenta. On notait même en novembre 1896 la présence simultanée d’un détachement de spahis et d’un détachement d’infanterie. Le dixième régiment d’infanterie d’Afrique et d’outre-mer basé au fort donnera son nom au quartier qui jouxte actuellement le musée « le 10e Riaom ». Ce poste conçut au départ pour n’être que provisoire et qui s’insérait dans tout un réseau de constructions militaires, Pout, Khaoulou, Talen Mbijem… aura donc subsisté tant parce qu’il occupait une position stratégique que parce que l’insécurité, dans la région, ne disparut pas aussi vite que prévu.
Destiné à une action de police et de justice, il fut aussi un lieu d’observation des mouvements de Lat Dior hostile à la pénétration européenne de même que les cayoriens et les populations sérères nones. Donc les français contrôlaient tous ces gens-là qui, en groupe en caravane ou autres choses se déplaçaient vers Dakar la capitale. C’est ce qui a motivé la construction du Fort juste à l’entrée du ravin pour sécuriser Dakar parce que l’administration coloniale était basée à Gorée.
Pinet-Laprade encouragea aussi l’extension du village sous la protection du poste. Par ses instructions, il exhortait ses officiers à habituer les populations à l’administration coloniale et à démontrer aux chefs sérères que cette même administration ne leur était pas hostile et qu’elle était attachée à la paix de la région. Le fort abrita des commandants de cercle, des troupes blanches appartenant au corps d’infanterie de marine comptant parfois jusqu’à 50 hommes, des artilleurs et des médecins. Les indigènes qui étaient attachés au dix–neuvième siècle remplirent les fonctions de muletier, interprète, berger, boulanger, infirmier et courrier.
La ville de Thiès finit par devenir un grand complexe comptant outre le fort, un centre de site, un centre d’instruction pour un régiment de parachutistes, une base aérienne d’une superficie de 180 hectares implantée au nord-ouest de la ville. Lequel complexe, après le retrait des troupes françaises en 1964 entraina pour tout ce complexe sera mis à la disposition d’organismes civils divers et du Groupement mobile d’intervention (Gmi). Le fort fut classé monument historique en 1975, après avoir servi notamment de centre social et d’établissement scolaire.
Au mois de février de la même année, le président poète Léopold Sédar Senghor y inaugura le musée. Quant à la militarisation de la ville enclenchée depuis l’époque coloniale, elle continue toujours avec l’implantation de la gendarmerie. Et l’avantage est que non seulement, la zone 7, dispose de troupes qui sont basés à Thiès notamment les unités de réserves générales comme le bataillon des commandos et le bataillon des blindés mais sa position géographie qui la met en zone centrale et loin des frontières lui assure une certaine stabilité qui fait d’elle une zone de sécurité propice à la préparation et à l’entrainement des autres militaires.
Ndèye Fatou NIANG