Chronique de Babs : « Dauphinat » au Sénégal ou la fin du processus démocratique
S’il vrai qu’au Sénégal les voies d’accession au pouvoir sont insondables, après 60 ans d’indépendance ou plutôt d’accession à la souveraineté internationale, il est tout aussi indiqué de traiter le peuple sénégalais avec un peu plus de respect.
Mansour Faye, actuel ministre du développement communautaire, de l’équité sociale et territoriale, invité de l’émission Yoon wi de la radio Futur média, El hadji Assane Gueye lui demande : « Vue la taille de votre département ministériel, on vous présente comme le dauphin caché du Président Macky Sall ? Et Mansour Faye de répondre « Je ne n’y pense même pas, la Présidence de la République est une affaire de destinée ».
Or, la destinée peut renvoyer à une vie humaine considérée sur le plan individuel comme un ensemble de circonstances heureuses ou malheureuses et envisagée dans une issue indépendante de la volonté ; tout comme destinée peut signifier une carrière réservée à quelque chose comme dans un roman.
Sachant que son roman lui est entrain d’être écrit par sa majesté, comme l’a suffisamment démontré Mamadou Omar Ndiaye, dans un article paru dans le Témoin, Mansour Faye a pensé esquiver la question dans sa réponse. Mais le mot Destinée a bien été décodé.
Ceci dit, la problématique que pose le « Dauphinat » qui renvoie au successeur du roi dans un régime dite démocratique est extrêmement profonde. Car, dans une République digne du nom et non bananière, le seul fait que le président de la République, élu librement aux suffrages universels, cherche à poser des actes allant dans le sens de se choisir son remplaçant, est une incongruité ; voire un « coup d’Etat rampant » comme l’a théorisé en son temps, Mahmout Salah, perdu dans les méandres à la présidence.
Aujourd’hui, dans la constitution du Sénégal, il n’est nulle part dit que le président de la République sera remplacé en cas d’empêchement par son dauphin mais par le président de l’assemblée nationale dans un délai fixé par la loi pour organiser des élections présidentielles.
Contrairement aux dispositions de la loi qui a permis au président poète Léopold Sédar Senghor de se retirer au cours d’un mandat pour laisser son Premier Ministre, Abdou Diouf, le remplacer à la tête du pays, en décembre 1980, en faveur de l’article 35, pour terminer le mandat et pouvoir se présenter en 1983.
Si Sa Majesté ,40 ans après, a l’intention de tenter un scénario pas identique à celui d’Abdou Diouf mais similaire dans le fonds, un tel jeu de yoyo face une jeunesse qui, en majorité, a fait les bancs de l’école ou « le daara» qui est une véritable école de la vie, me semble suicidaire.
Mais, au fait, de quoi aurait peur sa Majesté au point de penser à confectionner un « dauphin parental» pour lui succéder, comme se sont interrogé d’éminents journalistes sénégalais sur la question ? « That is the question » comme on dit du côté de l’oncle Sam.
Eh bien ! « Osons rêver l’avenir » n’est-ce pas, Me Aïssata Tall Sall, et surtout pas d’un passé rétrograde qui risque de plomber dangereusement la marche du pays vers une démocratie sérieuse. Loin des combines.
Déjà, dès le 19ème siècle, des sénégalais citoyens français, même colonisés, ont eu le privilège de participer au libre choix de leurs représentants ; cet acquis historique, mériterait-il un coup d’arrêt en cherchant à manœuvrer pour imposer un Dauphin ? Si jamais, ce dernier acte est posé dans ce pays, il faudra clamer haut et fort : Vive le Roi.