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Le plein emploi : solution à la jalousie socioéconomique

Date:

Au Sénégal, il est courant d’entendre des
personnes s’insurger contre la jalousie
socioéconomique. Cette dernière se traduit
par des conflits d’intérêts personnels, des
crocs-en-jambe et parfois même des
tentatives de maraboutage entre des
collègues, des membres d’une même famille,
des voisins, des amis, des coépouses, etc. Si
les gens en parlent à ce point, c’est parce que
ce phénomène existe, d’où le problème. Et la
cause principale est à chercher dans la nature
du tissu socioéconomique local.
En effet, la jalousie socioéconomique signifie
le fait d’éprouver de la peine vis-à-vis de la
réussite sociale et/ou économique des autres.
C’est un comportement qui trouve un terrain
favorable au Sénégal. La société sénégalaise
produit naturellement des jaloux à cause du
hiatus entre les attentes de la société (tekki) et
les moyens légitimes pour y accéder
(l’emploi). Cette forme pathologique de

l’économie sénégalaise est caractérisée à la
fois par une absence de travail suffisant et
valorisant, une faiblesse de régulation du
travail et un déficit de méritocratie. Ainsi crée-
t-elle (la forme pathologique de l’économie
sénégalaise) ce qu’on appelle des foules
avides où les gens sont pratiquement obligés
de s’affronter pour survivre et/ou exister à
cause des ressources très limitées et peu
suffisantes.
Bref, le tissu socioéconomique au Sénégal est
tel que la réussite (Tekki) n’est accessible qu’à
une minorité de personnes. Tout le reste est
obligé de se bousculer pour trouver sa place
dans la société. Cela explique les
carambolages des pauvres jeunes sénégalais
dans les concours et dans les recrutements de
la fonction publique. La plupart ont
pratiquement perdu toute capabilité (concept
sociologique qui désigne la capacité à un
individu de choisir son destin). Ils ne cherchent
qu’à être employés, qu’importe le domaine ou
le revenu. Luma am Jel.

En vouloir pour preuve, il semble que lors du
dernier appel à candidature pour un
recrutement de masse dans la fonction
publique, la plateforme de recrutement a
enregistré plus de 100 000 dossiers en
seulement deux jours après l’ouverture des
candidatures.
Dans cette situation, comment les gens
pourront vivre sans se jalouser et sans être en
compétition les uns contre les autres ?
Aussi l’on est en droit de se demander : cette
jalousie socioéconomique, qu’on dénonce si
souvent au Sénégal, existe-t-elle en France et
avec les mêmes proportions que dans notre
pays ? Si la réponse est négative, alors, la
cause est à chercher dans les caractères
distinctifs de ces deux sociétés.
En effet, la valeur de l'IDH du Sénégal pour
2019 est estimée à 0.512 – ce qui place le
pays dans la catégorie « développement
humain faible » et au 168e rang parmi 189
pays et territoires reconnus par l’ONU, à en
croire le rapport du PNUD sur le

développement humain 2020. Ainsi, là où le
revenu national brut par habitant de la France
est de 50 460 dollars en 2019, celui du
Sénégal est de 3,309 dollars. Le revenu
minimum que perçoit le français sans emploi
(RSA) est supérieur au revenu brut que gagne
la généralité des fonctionnaires sénégalais.
Pourtant, il n’empêche que le mouvement des
gilets jaunes a été organisé en France pour
réclamer plus de justice sociale.
Ce différentiel de développement conséquent
entre les deux pays cités n’est liée ni à la race
ni à une différence de ressources (humaines
et naturelles), et encore moins aux croyances
culturelles. Assurément, il s’explique par une
différence de mode de fonctionnement : celui
de la France compatible avec le
développement et celui du Sénégal
incompatible avec le développement. La
preuve en est que bien que le Sénégal
possède plus de ressources naturelles que la
France, il n’empêche que le premier soit

toujours sous la dépendance culturelle et
économique de ce dernier.
A cela s’ajoute les inégalités sociales et les
nouvelles formes de servitude qui
caractérisent souvent les relations de travail
entre salariés et employeurs, en raison tant de
la précarité du travail que du peu de
perspectives d’évolution professionnelle qui
existe dans le pays. Ligeey doom bu goor la si
reew mi.
Dans une société salariale où la mentalité de
fonctionnaire est la mieux partagée, l’emploi
demeure tellement important pour être réservé
à une minorité de privilégiés. La rareté du
travail au Sénégal fait que quand un jeune
obtient son premier emploi, il prouve en même
temps le travail de sa mère : le fameux ligeeyu
ndey aniu doom. D’autant plus que s’il (le
jeune) est issu d’une famille polygame, son
emploi peut être source de rivalités entre les
coépouses.
Si l’on veut cependant combattre la jalousie
socioéconomique (fiirange), les rivalités crypto

et interpersonnelles (xethio) et les conflits
d’intérêts personnels (xiiroo), faisons de sorte
que les individus qui souhaitent trouver un
emploi n’éprouvent aucune difficulté pour en
trouver un. En conséquence, ne faudrait-il pas
procéder à la banalisation de la réussite
économique par l’égalisation des chances
devant l’accès aux ressources économiques,
la généralisation du bien-être par l’accès
universel aux services sociaux de base et la
démocratisation de la réussite sociale par
l’égalité des chances devant l’accès aux
statuts sociaux valorisants ? Evidemment,
encore faudrait-il ramener la méritocratie et le
culte de l’excellence dans la société ?
Dès lors, il n’est pas question de s’en prendre
violemment aux jaloux ou aux méchants parmi
nous. Faisons de sorte que le tissu
socioéconomique soit d’une manière à ce que
chacun, ou tout au moins la majorité puisse
vivre dignement et trouver sa place dans la
société.

Sans doute, si les gens sont assez occupés,
ils n’auront pas le temps de s’occuper des
autres. Après tout, nait-on jaloux ou le devient-on
par le biais de la société ?

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