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La chronique du Kankourang N 5

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La chronique du Kankourang N 5
Le Kankourang a bien vécu et s’en est retourné, la nuit tombée, à Akwaba le village mythique. Peu avant, les jeunes circoncis étaient sortis du juju. En procession, ils sont allés se purifier dans l’océan, se débarrassant ainsi des souillures de la circoncision. Par la suite, ils sont partis rejoindre leurs familles, après un long mois de pénitence. Une journée de festin est décrétée dans les familles émues de retrouver leurs héros. Ils ont droit aux calebasses de mono dégoulinant de beurre et de miel et aux quartiers de chair braisée et tendre, pour avoir brillamment triomphé des dangers d’une épreuve redoutée. Le rite de passage, même édulcoré par la jeunesse des émules, a symboliquement tué les gamins pour en faire des hommes aptes à servir la communauté. Ils changent ainsi de statut pour intégrer le cercle des kintangs. Pétris de valeurs, les nouveaux initiés deviendront respectables et piliers d’un peuple qui tient à ses origines, en dépit d’une lointaine migration qui l’a arraché de son terroir originel. Ces jeunes mâles incarnent la renaissance d’un peuple qui semble retrouver ses héros légendaires d’antan.
Fadiari, en ce jour mémorable de la fin, le jambadong du petit matin fut exceptionnel, après une veillée inoubliable. Le Sisal, une variante du Kankourang de forte prestance et particulièrement craint, était de sortie pour rehausser cette journée des adieux. L’ambiance monta d’un cran au grand bonheur des spectateurs, amateurs de sensations fortes. Au crépuscule, lors d’un sublime Faniké, les reliques furent brûlées. Les traces et secrets d’une initiation qui scelle un rituel de passage, disparurent devant un public tenu éloigné des mystères du Kankourang quatre semaines durant. Faudra se débarrasser de tout stigmate marqué du sceau de l’intimité d’une communauté mandingue nostalgique des temps anciens. Les cinq juju disséminés entre Djalma, Guinaw rail, Santessou, Thiocé Est et Ouest subirent un autodafé qui voit se consumer les espaces sacrés, antres d’un mois d’initiation, d’épreuves et de séquences de vie partagées. Le Faniké véritable spectacle en son et en lumière ravit la foule sublimée par les effets du feu incandescent attisé par la clameur des danseurs comme possédés par les résonnances du jambadong. Cette foule d’enfants et de femmes en majorité, s’extasie devant ce spectacle annuel et réprime déjà la nostalgie d’un carnaval finissant. Les pêcheurs lébous de Téfess se défoulent en fanatiques admirateurs du mythe. Les boffs, pseudo-mandings et nouvellement admis dans la communauté des kintangs, à force d’espèces sonnantes et trébuchantes ou d’affinités assumées, se révèlent plus royalistes que le roi par un zèle suspect. Les kintangs surexcités évacuent leurs dernières énergies, chantant, criant et dansant comme des spartiates sentant proche le chant du cygne.
L’ultime apparition du Kankourang teintée de tristesse scelle le déclin d’une épopée festive. Après les folles courses-poursuites, les innombrables dégâts causés par la fougue de plus en plus incontrôlable des kintangs, le Kankourang, majestueusement, s’en va sur ses pas de velours. Les vacances s’évanouissent au seuil d’un septembre de joie qui cède sans transition le pas aux ombres d’octobre. D’un rituel à un autre événement, la rentrée des classe se révèle pour reprendre le flambeau d’un peuple miséreux mais perpétuellement en fête. Une rentrée des classes rabat-joie et mal venue qui prend au dépourvu une communauté scolaire de déserteurs récidivistes, aura du mal à expédier aux calendes grecques un septembre de rêve. Mbour, enfin se vide de ses visiteurs qui emportent dans leurs besaces de merveilleux souvenirs. La ville retrouve un calme lourd qui ploie sous le chaud soleil qui annonce l’harmattan.
Vivement l’An prochain.
MADOU KANE

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