République du Sénégal
Un Peuple-Un But-Une Foi
COALITION IDY 2019
RAPPORT PUBLIC
SUR L’ELECTION PRESIDENTIELLE
DU 24 FEVRIER 2019
Observations saillantes autour d’un hold-up électoral
République du Sénégal COALITION IDY 2019
RAPPORT PUBLIC SUR L’ELECTION PRESIDENTIELLE DU 24 FEVRIER 2019 Observations saillantes autour d’un hold-up électoral
INTRODUCTION
Le 11 décembre 2018, le mandataire de la coalition « Idy 2019 » a déposé au greffe du Conseil constitutionnel la déclaration de candidature de Monsieur Idrissa SECK à l’élection présidentielle du 24 février 2019. Monsieur Idrissa SECK a vu sa déclaration de candidature validée par le Conseil constitutionnel dans sa Décision n° 3-E 2019/affaires n° 13 à 24-E-19 du 20 janvier 2019. Toutefois, avec cette décision, le Conseil constitutionnel venait tout aussi de concrétiser la « prophétie »1 du régime d’organiser une élection présidentielle avec tout au plus cinq (5) candidats. Dans un tel contexte, la décision du Conseil constitutionnel arrêtant la liste définitive des candidats apparaissait, en réalité, comme la couverture juridictionnelle d’une sélection politique des candidats à la candidature. Aux termes de cette décision, plusieurs candidats à la candidature ont été injustement écartés soit par le biais du parrainage, soit au moyen d’une application arbitraire du droit pénal relatif au régime de déclaration de candidature. Pour faire face à cette stratégie politico-judiciaire assumée de « réduire l’opposition à sa plus simple expression lors de l’élection présidentielle »2, une bonne partie des candidats à la candidature évincés à l’issue de la Décision du 20 janvier 2019, ont rejoint et agrandit la Coalition « Idy 2019 » 3. De l’ouverture de la campagne, le 03 février 2019, à la fin de celle-ci, le 22 février 2019, la coalition « Idy 2019 » a mobilisé les sénégalais dans la paix, la sobriété et la concorde (sur l’ensemble du territoire et dans la diaspora) autour des thématiques fondamentales qui structurent le projet de société du candidat de notre coalition.
1 V., « Boune DIONNE : « ‘‘Il n’y aura pas plus de cinq candidats à la présidentielle’’ », Walf Quotidien, 22 novembre 2018, p. 2. 2 Propos publics tenus par Président de la République le 17 avril 2017 à Kaffrine dans le cadre d’une conférence de presse. V. https://www.seneplus.com/article/%C2%ABnous-allons-r%C3%A9duire-l%E2%80%99opposition%C3%A0-sa-plus-simple-expression%C2%BB 3 Il s’agit de : Monsieur Mamadou Lamine DIALLO, Monsieur Papa DIOP, Monsieur El Hadji Malick GAKOU, Bougane GUEYE, Monsieur Moustapha Mamba GUIRASSY, Monsieur Abdoul MBAYE, Monsieur Khalifa Ababacar SALL, Madame Amsatou Sow SIDIBE, Monsieur Cheikh Hadjibou SOUMARE.
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Le 24 février 2019, jour de l’élection présidentielle, le scrutin s’est déroulé, pour l’essentiel, dans le calme. Toutefois, d’innombrables irrégularités ont affecté la sincérité du scrutin. A ce propos, on peut notamment relever la modification unilatérale et illégale du régime de vote le jour même du scrutin, des milliers et des milliers d’électeurs égarés en raison d’une modification forcée de leurs bureaux, centres, voire leurs régions de vote, sans oublier un phénomène inédit et triste dans l’histoire de la fraude électorale : les enfants-votants ! En réalité, ces différentes irrégularités n’auraient pas été possibles si l’administration électorale dans son ensemble n’avait pas soit participé soit laissé passer les différentes manipulations anticipées sur le fichier électorale et la carte électorale. Bref, nous avons à travers ces différentes irrégularités et entorses à la loi électorale, tout un faisceau d’indices d’une fraude électorale savamment planifiée depuis des années et devant déboucher sur une victoire technique ou à défaut sur une confiscation du suffrage du peuple souverain. Suite au plafonnement des votes favorables à Macky SALL a l’occasion du référendum du 20 mars 2016 et lors des législatives du 30 juillet 2017, il était clair que sa chute était inévitable. Face au vote massif des sénégalais, le rejet clair du candidat sortant dans les grands centres et régions de vote et surtout à la vue des premières tendances, une victoire technique dès le premier tour apparaissait quasi impossible. C’est finalement la seconde branche de l’alternative de la victoire planifiée qui sera déployée la soirée du 24 février. Ce qu’il convient d’appeler « plan de confiscation du suffrage du peuple souverain » trouve d’abord une expression médiatique à travers un traitement ouvertement tendancieux des résultats par les médias dominants. Ce hold-up électoral que configuraient à dessein certains médias de masse sera par la suite, on pourrait dire définitivement, scellé tard dans la nuit du 24 au 25 février par le Premier ministre. Alors même que les urnes n’étaient pas intégralement dépouillées, et à travers une déclaration télévisée, celui qui avait acté le nombre de candidats avant le temps de la justice récidiva en proclamant la victoire du candidat sortant, dont il est le directeur de campagne, avec un score de 57%. C’est sans surprise que la Commission Nationale de Recensement des Votes confirma, tout en l’améliorant, les résultats préfabriqués du candidat sortant, le 28 février 2019. Le Conseil constitutionnel couvre définitivement le hold-up électoral en confirmant les résultats de la CNRV4 tout en se gardant de se prononcer sur les observations et contestations de l’opposition annexées au PV des résultats provisoires de la CNRV. Les observations qui vont suivre ont pour objet, d’une part, d’éclairer au mieux l’opinion nationale et internationale sur les conditions au regard desquelles la solution d’un hold-up électoral s’est réalisée lors de l’élection du 24 février. D’autre part, cette contribution de notre coalition entend proposer, conformément au principe fondamental de consensus politique, les voies et moyens d’une concertation politique de nature exclusivement 4 V. CC, Décision n° 4-E-2019/affaire N° 25-E-19 du 5 mars 2019, http://conseilconstitutionnel.sn/decision-n-4e-2019-affaire-n-25-e-19/
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thématique, effectivement pluraliste et sincère en mesure de garantir la sincérité des scrutins nationaux à venir.
I. Les actes préparatoires du hold-up : la neutralisation systématique du principe de consensus politique De son avènement jusqu’à sa septième et dernière année, la seconde alternance (20122019) a été marquée par un recul démocratique sans précédent. La condition de l’opposition politique, malgré son statut constitutionnel5, n’a cessé de se dégrader à mesure que le premier garant de la liberté politique cherchait systématiquement « à réduire l’opposition à sa plus simple expression »6. La réalisation d’un tel objectif, bassement politicien, était naturellement incompatible avec le besoin d’entretien de la sève qui nourrissait jusqu’alors notre vitalité démocratique : le consensus politique. En lieu et place d’un dialogue politique, l’opposition a dû faire face ou plutôt subir, surtout à l’approche de chaque échéance électorale, un unilatéralisme décisionnel brutal (A) accompagné d’une dégradation générale du système d’organisation et de contrôle du processus électoral (B). A. L’unilatéralisme décisionnel, vecteur de toutes les réformes électorales sous la seconde alternance
Les réformes électorales engagées par le gouvernement ont été l’occasion d’intégrer dans notre tissu juridique des règles aussi controversées qu’incompatibles avec les textes en vigueur au moment de leur adoption. Sans doute, il faut le souligner, une couverture juridictionnelle aura permis à chacune de ces réformes déconsolidantes de forcer le seuil de la légalité. Deux séries de réformes, l’une constitutionnelle (1) l’autre législative (2), et qui pourraient être considérées comme des fraudes aux textes électoraux, ont permis au camp au pouvoir de s’auto-favoriser dans la perspective de l’échéance électorale du 24 février 2019. 1. Fraude à la Constitution
Après les élections législatives du 30 juillet 2017, où la coalition au pouvoir est sortie minoritaire sur le plan de la représentativité électorale, de nouvelles stratégies ont été dégagées par elle afin de surmonter cette réalité politique que le peuple souverain venait d’acter malgré une sur-représentativité parlementaire que le mode de scrutin (majoritaire à un tour) leur
5 Le dernier paragraphe du préambule proclame : « la volonté du Sénégal d’être un Etat moderne qui fonctionne selon le jeu loyal et équitable entre une majorité qui gouverne et une opposition démocratique, et un Etat qui reconnaît cette opposition comme un pilier fondamental de la démocratie et un rouage indispensable au bon fonctionnement du mécanisme démocratique » 6 Propos publics tenus par Président de la République le 17 avril 2017 à Kaffrine dans le cadre d’une conférence de presse. V. https://www.seneplus.com/article/%C2%ABnous-allons-r%C3%A9duire-l%E2%80%99opposition%C3%A0-sa-plus-simple-expression%C2%BB
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offrait formellement (125 des 165 sièges soit une majorité de 75,78% obtenue avec 49,47% des suffrages exprimés). C’est contre cet état de fait que s’est tissé un début de dialogue politique.
L’Ambassadeur à la retraite, Monsieur Seydou Nourou BA, fût installé à la tête du Cadre de concertation sur le processus électoral, le 12 décembre 2017. Très vite, l’objectif jusqu’alors caché de ce dialogue par son principal promoteur, à savoir le Président de la République, remonta sans tarder à la table de négociation : élargir le parrainage citoyen aux partis politiques alors qu’il était jusque-là réservé aux candidats indépendants. D’ailleurs, les quelques partis d’opposition qui acceptèrent de participer à ce dialogue se retirerons très tôt de la table de négociation.
La question électorale étant une question nationale d’importance fondamentale elle ne saurait, sous peine de violer le principe structurant en la matière, le consensus politique, être totalement laissée à la discrétion d’un camp politique, fut-t-il celui au pouvoir. C’est la raison pour laquelle l’opposition réellement opposante s’était à juste raison définitivement démarquée d’un processus devenu objectivement unidirectionnel. Sur le plan juridique, la réalisation du parrainage intégral supposait une modification du statut du président de la République ou plus précisément son mode d’élection et donc une réforme constitutionnelle. Elle se fera au moyen d’une fraude à la Constitution laquelle va toucher l’intangibilité du mode d’élection du Président de la République.
a) Le parrainage intégral : un démantèlement inattendu de l’intangibilité du mode d’élection du Président de la République
Le 16 mars 2018, Monsieur Seydou Nourou Ba remis son rapport sur le processus électoral au Président de la République. Ledit rapport n’a jamais été rendu public ! En réalité, il s’est agi de couvrir le ‘‘dialogue unidirectionnel’’ sur le processus électoral d’un vernis consensuel dont l’objectif ultime était de légitimer une réforme unilatérale du mode d’élection du Chef de l’Etat par le biais d’un nouveau système de parrainage. La recommandation du rapport en cause visait à modifier le régime de déclaration de candidature à l’élection présidentielle notamment en appliquant la condition du parrainage citoyen, jusque-là uniquement imposée aux candidats indépendants, aux candidats investis par un parti ou une coalition de partis politiques. Une telle recommandation de la part du cadre de concertation sur le processus électoral n’était pas surprenante, car elle correspondait, tout au plus, à une métamorphose ex post d’un projet exclusivement gouvernemental. Elle était cependant incompréhensible dans la mesure où elle a été proposée sans que la question de sa conformité à la Constitution n’ait été préalablement et sérieusement abordée lors du soi-disant dialogue. Et pourtant, à ce
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propos, la Constitution dressait un obstacle de taille, celui de l’intangibilité du mode d’élection du Président de la République. Le verrouillage du mode d’élection du Président de la République a été introduit par la loi constitutionnelle n° 2016-10 du 05 avril 2016 issue du référendum du 20 mars 2016. Selon les termes de son exposé des motifs, la loi vise, entre autres, à instaurer « l’intangibilité des dispositions relatives au mode d’élection, à la durée et au nombre de mandats consécutifs du Président de la République. » Ainsi, aux termes de l’article 103 alinéa 7 (nouveau) de la Constitution du 22 janvier 2001, « La forme républicaine de l’Etat, le mode d’élection, la durée et le nombre de mandats consécutifs du Président de la République ne peuvent faire l’objet de révision.» Le constituant a pris le soin de préciser à l’alinéa 8 du même article que « L’alinéa 7 du présent article ne peut être l’objet de révision ». Il y à partir de cette dernière disposition un double verrouillage qui rend absolument intangible le mode d’élection du Président de la République. On parle alors de clause d’éternité. Pour ne pas affronter cette réalité juridique manifestement rédhibitoire, le gouvernement, concepteur du projet de loi instituant le parrainage intégral, s’est bien gardé, dans l’exposé des motifs dudit texte, de défendre techniquement la constitutionnalité de son projet de réforme. Or, compte tenu de sa nature juridique, c’est-à-dire en tant que condition de forme substantielle dans le mode d’élection du Président de la République, le parrainage fait partie du domaine non révisable de la Constitution tel qu’arrêté par la clause d’intangibilité (article 103 alinéa 7). Une simple analyse juridique de l’institution présidentielle montre que le parrainage intègre la clause d’intangibilité. L’institution présidentielle présente deux composantes : le statut et la fonction. Son statut présente deux aspects : le mode d’élection et le mandat. Le mode d’élection est un ensemble processuel fondé sur le principe démocratique du suffrage universel direct et dont la finalité est la désignation officielle du titulaire du mandat présidentiel. Au Sénégal, aux termes de la constitution, le mode d’élection du Président de la République repose sur deux piliers : le suffrage universel direct comme mode de scrutin, et une procédure d’élection spécifique. Il faut rappeler, qu’en droit constitutionnel comme en droit électoral, l’élection d’un représentant politique repose toujours sur une procédure7 qui comprend à la fois des règles de fond8et des règles de forme lesquelles conditionnent la recevabilité de la déclaration de candidature. Le parrainage étant une règle de forme qui conditionne la recevabilité de toute déclaration de candidature, c’est en toute logique qu’il fait partie de la procédure de l’élection présidentielle et donc du mode d’élection du Président de la République.
7 Comme l’a rappelé le Conseil constitutionnel dans sa Décision N° 4/C/2017, 13 janvier 2017, Considérant n°136. 8 C’est le cas des règles ou conditions d’éligibilité prévues à l’article 28 de la Constitution : « Tout candidat à la Présidence de la République doit être exclusivement de nationalité sénégalaise, jouir de ses droits civils et politiques, être âgé de trente-cinq (35) ans au moins et de soixante-quinze (75) ans au plus le jour du scrutin. II doit savoir écrire, lire et parler couramment la langue officielle ».
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Par conséquent, c’est en méconnaissance totale du régime de révision de la Constitution que le projet de loi constitutionnelle sur le parrainage intégral a été proposé au vote de l’Assemblée nationale. b) Une méconnaissance manifeste de l’esprit originel du parrainage
Par opposition au parrainage intégral, le parrainage ciblé ou limité est celui qui existait avant la réforme en cause. Il ne s’appliquait seulement qu’aux potentiels candidats indépendants. Leur candidature, pour être recevable, devait être accompagnée de la signature d’électeurs représentant au moins dix mille inscrits domiciliés dans six régions à raison de cinq cents au moins par région9. La motivation politico-juridique qui a accompagné le parrainage intégral repose sur l’idée de réparer une « injustice » contre les candidats indépendants lesquels devaient respecter, pour les besoins de leur déclaration de candidature, la condition du parrainage. Ce faisant, les promoteurs de la réforme montraient leur ignorance de l’esprit même du parrainage alors en vigueur. En effet, la consécration du parrainage par le constituant de 200110 avait pour objet d’élargir l’expression du suffrage à une catégorie de « citoyens-candidats » sans les obliger à créer un parti politique. Il s’agissait donc de la part du constituant d’élargir l’offre politique pour que l’exercice du droit de suffrage ne se soumette pas exclusivement à l’offre de candidatures des appareils politiques traditionnels. Cependant, pour être en cohérence avec l’expression du droit suffrage, le Constituant exigea en contrepartie un minimum de représentativité populaire comme condition de recevabilité de toute candidature indépendante. Aussi, n’est-ce pas une grossière contradiction intellectuelle entre l’idée de réparer une injustice dont seraient victimes les candidats indépendants tout en tablant sur un alourdissement des nouvelles règles du parrainage. En effet, les candidats indépendants, c’està-dire ceux à qui la réforme entendait pourtant « faire justice » ont subi une option juridique on ne peut plus paradoxale au regard de la rhétorique réparatrice : l’augmentation drastique du nombre de signatures à présenter : de 10000 on passera à 53.457 signatures au moins. Prétendre dès lors qu’il y a progrès juridique juste parce que la condition du parrainage va s’appliquer désormais aux candidats issus des partis politiques tout en alourdissant les conditions de participation des indépendants est une véritable stratégie politicienne de fraude à l’esprit et à la lettre de la loi. En alourdissant les conditions du parrainage, la réforme ne visait qu’à rétrécir de l’offre politique, c’est-à-dire exactement le contraire de ce que voulait le constituant. C’est dire qu’en réalité le parrainage intégral dans son idée même s’intéressait davantage aux potentiels
9 Voir ancien article 29 alinéa 4 de la Constitution. 10 Il n’a fait que reprendre son prédécesseur, la Constitution du 7 mars 1963 en son article 24 alinéa 2.
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candidats qu’aux citoyens, tant la rationalité qui le sous-tend n’a aucun lien avec l’esprit originel du constituant en la matière. Le second argument sur lequel s’est appuyé la justification du parrainage intégral repose sur un le prétendu besoin de rationalisation des partis politiques. Face à l’impossibilité de donner un contenu persuasif au soutien de la cause, on assistera à une transmutation progressive de l’argumentaire autour de l’idée de rationalisation des candidatures ; les élections législatives du 30 juillet 2017 étant cette fois-ci prises comme seul repère chronologique et comme unique expérience électorale pertinente. C’est là justement qu’apparaît la réelle volonté de nuisance des promoteurs du parrainage intégral. La raison est simple ! La tradition ou la pratique des coalitions de partis politiques à la veille de chaque élection présidentielle montre la maturité et la capacité de notre système politique à générer son propre mécanisme d’auto-rationalisation en dehors même d’une rationalisation administrative que l’application d’un contrôle administratif rigoureux des partis politiques aurait raisonnablement permis. La première alternance politique n’a-t-elle pas été grandement provoquée par le mécanisme politique de l’autorationalisation des candidatures ? C’est à bon droit que l’ordre constitutionnel consécutif à cette alternance ait mesuré l’importance d’en assurer la consécration constitutionnelle11. Telle devrait être l’image d’une ingénierie constitutionnelle endogène et consolidante de la démocratie ! Aussi faut-il balayer la pertinence de l’argumentaire présenté par l’exécutif et le parti majoritaire consistant à soulever l’expérience électorale des législatives de 2017 dans le cadre de la justification du parrainage intégral. Certes cette élection a vu 47 listes se disputer 150 postes de députés ; ce qui a rendu extrêmement chaotique l’organisation du scrutin sur pratiquement l’ensemble du territoire. Plutôt qu’une simple contingence électorale historique, il est pourtant clair, aujourd’hui, que la part de la volonté politique dans cet imbroglio électoral est exclusive. Il y a eu derrière cette hypertrophie de listes une volonté réelle d’instrumentaliser la liberté de candidature de façon à légitimer ex-post la restriction de la même liberté à l’élection présidentielle au moyen d’un nouveau système de parrainage. L’expression la plus éloquente de cette instrumentalisation tient au fait que 30 des 47 partis ou coalitions de partis ayant pris part aux élections législatives du 30 juillet 2017 soit 63,82 % ont rejoint la coalition Benno Bokk Yaakaar, la coalition au pouvoir, lors de l’élection présidentielle du 24 février 2019. L’instrumentalisation est d’autant plus évidente que l’essentiel des leaders de ces partis et coalitions venaient directement des rangs de la coalition Benno Bokk Yakaar ! Ces données révèlent que sans cette forme planifiée de « parrainage » de listes par le pouvoir, on aurait pu avoir moins de listes que lors des législatives de 2012 (24 listes). Le jeu démocratique a été volontairement faussé, les finances publiques indument grevées.
11 C’est-à-dire la possibilité donnée à une coalition de partis politiques de porter une candidature à l’élection présidentielle en vertu de l’article 29 alinéa 4.
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La multiplication à dessein des listes de candidatures lors des élections législatives a par ailleurs été artificiellement organisée pour permettre à la coalition du Président de la République de s’assurer la victoire dans plusieurs circonscriptions électorales avec le minimum de voix. En effet le mode de scrutin à un tour pour les élections législatives est différent de celui de l’élection présidentielle organisée au scrutin majoritaire à deux tours. Bref, le « parrainage » de « listes de complaisance » aux élections législatives par la coalition au pouvoir et la fâcheuse expérience électorale qu’il a permis d’organiser ont tout au plus servi de prétexte pour légitimer le parrainage intégral dans la perspective de l’élection présidentielle de 2019. Nous aurions pu accorder le bénéfice du doute aux nouveaux défenseurs de l’idée de rationalisation des candidatures aux élections nationales, si la réduction du budget des cycles électoraux ainsi que la bonne tenue des scrutins étaient leur ultime objectif. A cet égard, considérant les avantages techniques et financiers incontestables du bulletin unique, le pouvoir politique qui a la responsabilité d’organiser les élections a toujours systématiquement refusé d’introduire le bulletin unique comme l’administration électorale, l’opposition, ainsi que d’autre organisations le lui avaient recommandé12. L’indifférence du régime à propos du besoin de rationalisation du budget électoral est l’illustration incontestable de la dimension ouvertement politicienne de la prétendue nécessité de rationalisation des candidatures. A peine un mois après s’être transformée en recommandation d’un organe dit de concertation, l’idée gouvernementale d’un parrainage intégral est adoptée comme loi constitutionnelle. En dépit d’une désapprobation populaire manifeste et les vives contestations de l’opposition, le texte est passé à l’Assemblée Nationale sans débat sur le fond le 19 avril 2018. Au total, l’introuvable fondement démocratique du parrainage intégral n’a d’égal que le choix brutal de la voie parlementaire pour assurer son passage en force. C’était aussi sans compter avec le Conseil constitutionnel qui a autorisé l’intégration de dispositions inconstitutionnelles sans aucun effort de contrôle de la loi en cause. c) La couverture du juge constitutionnel
Sur la base de l’article 74 de la Constitution, plusieurs députés de l’opposition ont, après l’adoption parlementaire de la loi constitutionnelle instituant le parrainage intégral, saisi le Conseil constitutionnel aux fins d’en obtenir l’annulation.
12 V. Recommandations de la CENA 2009, 2010, 2012 et 2014. Étude sur le suivi des recommandations des missions d’observation électorale de l’Union européenne, octobre 2015) Les rapports de la DGE du MI, de la CTRCE, et de la Direction de la Gouvernance Institutionnelle du MPBG recommandent aussi l’introduction du bulletin unique.
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Pour déclarer son incompétence à traiter de la constitutionnalité de la loi sur le parrainage, le Conseil constitutionnel s’est tout au plus contenté de reprendre mot à mot son homologue français à travers deux considérants : 7. « Considérant, en effet, que le pouvoir constituant est souverain ; qu’il lui est loisible d’abroger, de modifier ou de compléter les dispositions de valeur constitutionnelle dans la forme qu’il estime appropriée ; qu’ainsi, rien ne s’oppose à ce qu’il introduise dans le texte de la Constitution des dispositions nouvelles qui dérogent implicitement ou expressément à une règle ou à un principe de valeur constitutionnelle, sous réserve des interdictions de révision prévues par la Constitution elle-même ; » 8. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le Conseil constitutionnel n’a pas compétence pour statuer sur la demande par laquelle les députés requérants lui défèrent, aux fins d’appréciation de sa conformité à la Constitution, la loi n° 14/2018 portant révision de la Constitution, adoptée par l’Assemblée nationale le 19 avril 2018 ; »13 Ce faisant, le Conseil constitutionnel, ignorant qu’il rend la justice au nom du peuple sénégalais et refusant de contribuer à construire une identité constitutionnelle de l’ordre juridique qu’il sert, n’a fait que plaquer systématiquement une vieille décision du juge constitutionnel français et à la conception de laquelle il n’a évidemment jamais eu part. Il s’agit de la Décision n° 92-312 DC du 2 septembre 1992 sur le traité sur l’Union européenne ; on l’appelle aussi « Décision Maastricht II » dont le juge sénégalais, pour répondre à l’opposition, n’a fait que recopier ses considérants 19 et 34. La réponse du Conseil constitutionnel était-elle adaptée au cas d’espèce ? Plusieurs indices montrent que les 7 juges n’ont pas fait preuve de sagesse. Ø L’objet ainsi que la question de constitutionnalité ne sont pas les mêmes. Dans le cas sénégalais la saisine visait un contrôle de constitutionnalité d’une loi constitutionnelle adoptée par le parlement au regard de l’article 92 de la Constitution et de la loi organique n° 2016-23 du 14 juillet 2016 relative au Conseil constitutionnel. Or, dans la décision française empruntée, le juge français a été saisi sur le fondement de l’article 54 de la Constitution française à propos d’un Accord international. La question posée au juge français était toute autre. Est-ce que compte tenu des engagements souscrits par la France et des modalités de leur entrée en vigueur, l’autorisation de ratifier le traité sur l’Union européenne devait être précédée d’une révision de la Constitution ou non ? Le Conseil constitutionnel sénégalais confond deux textes et qui n’ont pas la même nature juridique. Ø Alors que le juge français a fait son raisonnement pour se déclarer compétent pour contrôler les lois constitutionnelles dans certaines conditions, le juge sénégalais, pourtant tout en reprenant exactement le même raisonnement 14 , a préféré déclarer son incompétence et de façon absolue. Le juge français est clair. Il ne contrôle pas une loi constitutionnelle votée par voie parlementaire que « sous réserve, d’une part, des limitations touchant aux périodes au cours desquelles une révision de la Constitution ne 13 Conseil constitutionnel, Décision n° 1-C-2018 du 9 mai 2018. 14 V. Considérant 7 de la Décision
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peut pas être engagée ou poursuivie (…) et, d’autre part, du respect des prescriptions du cinquième alinéa de l’article 89 en vertu desquelles « la forme républicaine du gouvernement ne peut faire l’objet d’une révision »15. Nous le voyons, le juge français conditionne son incompétence à contrôler une loi de révision constitutionnelle au respect préalable des limites que la Constitution française dresse à toute révision constitutionnelle. Son homologue sénégalais recopie la même position mais refuse sciemment de l’appliquer, c’est-à-dire de vérifier si la loi sur le parrainage respecte l’article 103 de la Constitution en vertu duquel « La forme républicaine de l’Etat, le mode d’élection, la durée et le nombre de mandats consécutifs du Président de la République ne peuvent faire l’objet de révision. » Bref, le Conseil constitutionnel a préféré jouer systématiquement la carte du mimétisme à la carte. Il s’est voulu plus royaliste que le « roi » de la jurisprudence dont il s’est servi pour écarter sa compétence. Ø En réalité en refusant de contrôler la loi de révision constitutionnelle sur le parrainage par rapport aux limites à la révision posées par l’article 103, de la Constitution, le juge constitutionnel sénégalais a voulu se dérober d’un exercice qu’il a jugé délicat et sans issue. En clair, le Conseil constitutionnel n’a pas voulu affronter la question de l’intangibilité du mode d’élection du Président de la République parce qu’au regard de sa jurisprudence, il a une conception procédurale du mode d’élection des élus. D’après sa jurisprudence, « (…) le mode de désignation renvoie à l’acte par lequel les hauts conseillers sont désignés, cet acte pouvant être une élection ou une nomination ; qu’il englobe également, s’il s’agit d’élection, le processus électoral, notamment la campagne électorale qui doit se dérouler dans des conditions permettant d’assurer le respect de l’égalité des candidats ; »16 Selon le Conseil constitutionnel même la campagne électorale fait partie du mode d’élection des hauts conseillers. Par conséquent, s’il avait choisi de contrôler la loi sur le parrainage, Il n’aurait donc pas écarté le parrainage, condition substantielle de recevabilité des candidatures, dans le mode d’élection du Président de la République ! Ø d) La mise en œuvre du système de contrôle des parrainages par le Conseil constitutionnel a violé la Constitution, la loi et la réglementation
L’opposition sénégalaise a combattu un système de parrainage qu’elle savait créé pour éliminer des candidats plutôt que pour rationnaliser une participation à l’élection présidentielle, la Constitution du Sénégal et le Code électoral ont été modifiés par le pouvoir en place sans concertation et sans prendre en compte les avis et observations de l’opposition. Une réglementation est venue compléter le dispositif légal.
15 V. Conseil constitutionnel français, Décision n° 92-312 DC du 2 septembre 1992 sur le traité sur l’Union européenne, paragraphe 19. 16 V. Conseil constitutionnel, Décision N° 4/C/2017, 13 janvier 2017, Considérant n°136.
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Au moment de sa mise en œuvre, l’opposition sénégalaise n’a toutefois eu d’autre exigence si ce n’est le respect strict de la Constitution, de la loi et de la réglementation en vigueur dans ses termes relatifs au système de parrainage (collecte et contrôle). Cependant, il s’est avéré à la pratique que le Conseil constitutionnel a été incapable de vérifier les signatures d’électeurs (trop nombreuses) conformément à la Constitution17. Il a sanctionné de simples erreurs matérielles de saisie ou de re-saisie (de la fiche papier au fichier électronique) en refusant illégalement d’autoriser des corrections lorsque l’existence de l’électeur parrain est prouvée. Il a, par ailleurs, refusé de considérer un droit de contestation des procès-verbaux, inconnus dans la nomenclature de ses décisions, qu’il a établis et qui étaient truffés d’erreurs et de violation des droits des candidats à la candidature. Il n’a pas non plus justifié les rejets de parrainage pour cause de doublons. Aussi, il n’a pas respecté et observé son propre dispositif de contrôle défini par une décision rendue publique18 sur son site internet après interpellation par correspondance de la part de Monsieur Abdoul MBAYE, Président du parti ACT. Il faut aussi préciser que les représentants de la société civile ayant assisté à la vérification des parrainages remis par les candidats ont souligné toutes ces violations et insuffisances. Les mandataires des candidats également. Leurs manquements graves à leur charge de juges constitutionnels les ont obligés à un ridicule mensonge (considérant 10 de la Décision du Conseil constitutionnel n°2/E/2019 du 13 janvier 2019) pour pouvoir justifier la liste provisoire des candidats retenus. Plusieurs éléments de droit permettent de mettre à nu les diverses violations commises par le Conseil constitutionnel afin de couvrir la fraude technique. *Sur le refus de prendre en compte le fichier électronique de parrains pour cause d’oubli de numéros d’ordre sur le fichier électronique comme réclamé par l’arrêté 20025 du 23 août 2018 du Ministère de l’Intérieur. Lorsque les fiches papier sont correctes, cette absence de numéro d’ordre (facilement corrigeable du reste) ne saurait disqualifier un lot global de signatures de parrains. Il s’agit d’un abus de pouvoir manifeste de Pape Oumar Sakho, Président du Conseil constitutionnel et unique signataire des procès-verbaux de vérification et de contrôle des listes de parrainages. Et, d’ailleurs, le même arrêté 20025 exige les nom, prénoms et numéro d’électeur de chaque collecteur de parrainages ; or ils sont absents des fichiers électroniques sans que cela n’ait conduit le Conseil constitutionnel à des rejets ainsi motivés. *Sur le rejet par le Conseil constitutionnel des doublons externes (constatés avec une autre liste présentée par un autre candidat) non conforme à la loi. L’article L 57 al. 6 du Code électoral précisant les modalités de la vérification des listes de parrains remises par le candidat dispose : « Dans le cas d’une présence sur plus d’une liste, le parrainage sur la première liste contrôlée, selon l’ordre de dépôt, est validé et est invalidé sur les autres. » On le voit, à travers cette disposition, la loi ne retient donc comme référent pour le 17 Article 29 al.5. 18 N° 1c/2018 du 23 novembre 2018.
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contrôle des listes que celle déposée en premier. « La première liste » est utilisée au singulier. La loi n’évoque en aucune manière toutes les listes précédant celle du candidat objet du contrôle. En clair, seule la première liste déposée, et donc celle de la coalition BBY (celle du candidat Macky Sall) devait servir de référent pour déterminer les doublons à rejeter. Or le total des rejets pour ce motif, après la première vérification par le Conseil constitutionnel, s’élevait à 174 637 (addition des nombres figurant sur les PV remis aux candidats) et était supérieur au nombre total des 66 820 parrains de la première liste (celle de BBY) est une preuve tangible du non-respect de l’article L57 alinéa 6 du Code électoral du Sénégal par le dispositif de vérification des parrainages appliqué par le Conseil constitutionnel. *Sur le rejet pour motif « Région de vote non conforme ». Ce rejet définitif est insusceptible de remplacement ou de correction selon l’interprétation arbitraire du Président du Conseil constitutionnel. Pourtant, il est avéré que le transfert d’électeurs sans l’accord de ces derniers justifie le nombre important de tels cas. Or si on peut comprendre la sortie du parrain concerné de la région (puisqu’il y a une contrainte minimale par région), rien ne saurait justifier son retrait de la liste globale des parrains d’autant plus que la liberté de parrainer est une liberté fondamentale. La loi exige que le juge puisse mobiliser tous les arguments juridiques pour sauver un parrainage. Cette technique de l’effet utile que le même Conseil constitutionnel utilise de façon constante pour sauver le vote de l’électeur n’a curieusement pas été retenue par Monsieur Pape Oumar SAKHO.
*Sur le rejet pour motif : « non inscrits sur listes électorales » Ce rejet définitif est insusceptible de remplacement ou de correction selon le Président du Conseil constitutionnel. A ce propos, il ne fait l’ombre d’aucun doute qu’écrire que ces parrains ne sont pas des électeurs relève du FAUX, d’une violation manifeste des droits fondamentaux de ces électeurs et d’une interprétation arbitraire de la loi. En effet, il s’agit bien d’électeurs ayant signé une fiche papier, remplissant donc toutes les qualités pour être reconnus parrains. Par ailleurs, il faut relever que parmi les rejets pour motif « non inscrit sur fichier électoral », il n’y a que des citoyens disposant de leur CNI CEDEAO avec numéro correct introduit et reconnu puisque tous les numéros incorrects au titre de ce motif ont déjà été éliminés à ce stade du contrôle. Le système de traitement sait donc déjà qu’ils sont des électeurs et que l’état de rejets pour non conformité ne peut être justifié que par des erreurs matérielles de saisie. Pourtant, cet argument imparable n’a pas empêché le Conseil constitutionnel de les considérer comme « non électeur » et de rejeter leur parrainage au lieu de recourir à un contrôle de la fiche papier. Cette attitude est d’une extrême gravité, car le Conseil sait déjà que le parrain est électeur au moment où il prend la décision de son rejet pour erreur matérielle de saisie ou de re-saisie sur fichier électronique.
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*Sur le rejet pour motif « carte nationale d’identité non conforme » Il faut rappeler et préciser que le même principe exposé ci-avant vaut lorsque le numéro d’électeur est correct et le numéro de carte d’identité CEDEAO incorrect. Dès lors que le numéro d’électeur est unique, le Conseil constitutionnel sait au moment où il décide du rejet du parrain concerné qu’il ne peut qu’y avoir une erreur matérielle sur le numéro de CNI CEDEAO. Il doit donc se reporter à la fiche papier (fiche principale et authentique puisque revêtue du sceau de la signature du parrain) qui porte la signature du parrain ce qui n’est pas fait. Ainsi, sachant que c’est la signature qui est l’élément fondamental qui doit guider la vérification et établir l’authenticité du parrainage, il est tout simplement inadmissible, illégal et anticonstitutionnel de ne pas faire porter la vérification sur la signature et d’éliminer un parrain sur la base d’une faute d’orthographe sur son nom. En effet, Aux termes de l’article 29 alinéa 5 de la Constitution : « Pour être recevable, toute candidature doit être accompagnée de la signature d’électeurs représentants au minimum 0,8% et au maximum 1% du fichier électoral général. » Dès lors, la présence du terme « signature » dans la définition constitutionnelle du parrainage démontre la valeur substantielle de la signature dans la procédure de parrainage. C’est la raison pour laquelle le dernier alinéa de l’article L.57 du Code électoral dans l’application de cette disposition constitutionnelle en fait un critère obligatoire d’identification du parrain. La combinaison des dispositions constitutionnelles et législatives sur le parrainage démontre à suffisance qu’on ne peut parrainer sans signer. Et donc on ne peut apprécier un parrainage sans vérifier une signature. Mais il y a plus grave : lorsque le Conseil constitutionnel refuse la qualité d’électeur à ces parrains (en les listant comme « non électeur »), cela signifie en clair et en droit, notamment de jurisprudence constitutionnelle, que ces citoyens ne peuvent pas voter malgré la détention d’une carte d’identité CEDEAO et d’un numéro d’électeur. Par ailleurs, par des mentions annexées au PV remis au candidat à la candidature, le Conseil constitutionnel a violé le droit du candidat à contester les actes relatifs à l’élection du Président de la République, conformément à l’article 2 alinéa 1er de la loi organique relative au Conseil constitutionnel. En effet, il y refuse le principe de la régularisation des doublons reconnue par le Code électoral (L57) à un candidat ne pouvant plus atteindre le minimum requis du fait de sa définition illégale d’une catégorie de rejets insusceptibles de remplacement. Le Conseil constitutionnel refuse également le principe du redressement d’un PV pourtant reconnu tout au long des différentes étapes du processus électoral au Sénégal. Les développements précédents montrent à suffisance que le Conseil constitutionnel n’a pas examiné les fiches papier de parrainage qui seules permettent d’identifier et d’authentifier le parrain dans le respect de la Constitution. Il est scandaleux de savoir que cela n’a pas empêché le Conseil constitutionnel de rendre une décision (n°2/E/2019 du 13 janvier 2019) portant publication de la liste provisoire des candidats retenus avec un mensonge en son considérant 10 par lequel ils indiquent qu’ils auraient « examiné les listes sur support papier revêtues de la signature des parrains », en l’absence des mandataires des candidats (ce qui viole l’art 5 de leur
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propre décision n°1c/2018 du 23 novembre 2018), hors la présence des représentants de la société civile associés au dispositif de contrôle mis en place, sans référentiel pour contrôler les signatures et dans un temps impossible (1 414 792 signatures à contrôler en moins de 30 jours !).
2. Fraudes à la loi électorale
Avant même que le vote ne soit sincère et les résultats authentiques, le processus électoral doit être organisé de telle sorte que la compétition entre les formations politiques et les candidats soit loyale. Le respect de ces principes a permis la réalisation de deux alternances en 2000 et en 2012. Ainsi, la loi électorale sénégalaise a été marquée jusqu’en 2012 par une relative stabilité. Toutefois, avec l’entreprise de Monsieur Macky SALL, dans sa stratégie organisée de confisquer le pouvoir, le Code électoral comprend ainsi un important volet de nouvelles dispositions régressives, liberticides, constituants de manœuvres frauduleuses, portant atteinte à l’intégrité de tout le processus électoral. De la restriction déraisonnable à la liberté de candidature en passant par le démantèlement du régime électoral du Président de la République ou encore la liquidation d’adversaires politiques, la loi électorale a subi des assauts répétés et sous couverture juridictionnelle. Deux réformes, l’une par voie constitutionnelle, l’autre par voie législative, et qui pourraient être considérées comme des fraudes aux textes électoraux, ont permis au camp du pouvoir de s’auto-favoriser dans la perspective de l’échéance électorale du 24 février 2019.
a) Le démantèlement programmé du régime électoral du Président de la République
La réforme constitutionnelle issue de la loi 2018-14 du 11 mai 2019 portant révision de la Constitution et instituant le parrainage modifie l’esprit du parrainage qui devient une condition générale de filtrage des candidatures à l’élection populaire du chef de l’Etat. Il s’agit d’une loi à ranger dans la catégorie des lois scélérates. Le but de ce « filtrage » déguisé est d’écarter et de restreindre les candidatures issues de l’opposition afin d’offrir au premier tour l’élection de Macky SALL. A la première lecture, la loi constitutionnelle instituant le parrainage intégral élargit davantage l’incohérence matérielle du régime de dépôt de candidatures puisqu’elle renvoie, en violation manifeste de la Constitution, au législateur ordinaire pour fixer les modalités de contrôle des signatures : c’est le premier élément manifeste de fraude aux textes électoraux dont la Constitution. En effet, le vide juridique qui affecte le régime électoral du président de la République, à savoir l’absence d’une disposition constitutionnelle de renvoi habilitant le
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législateur (organique comme ordinaire) à fixer le régime de dépôt et de déclaration des candidatures remonte pourtant à la Constitution du 7 mars 1963. Nonobstant cette incompétence matérielle historique du législateur, c’est avec une régularité de cinquante-cinq (55) années, sans discontinuité, que le législateur organique est intervenu pour fixer, après la Constitution, le régime législatif concernant l’élection du Président de la République. L’accessibilité, avec le nouveau Code électoral, du ‘‘législateur ordinaire’’ à la matière de l’élection présidentielle est un précédent dangereux. Cette grande lacune du droit constitutionnel sénégalais est entièrement imputable au Conseil constitutionnel (décision C/4/2017) inféodé au pouvoir en place. Elle pose aussi un problème de lisibilité, de rigueur, bref de cohérence dans l’encadrement constitutionnel des institutions. Pour réaliser l’intégration de ce nouveau dispositif qui a fini de démanteler le régime électoral du Président de la République, à travers ces dispositions manifestement inconstitutionnelles, le Gouvernement, initiateur de ces réformes, s’est bien perdu, dans le premier texte soumis à l’Assemblée Nationale, c’est-à-dire le projet de loi N°12-2018 portant réforme du Code électoral, car techniquement son texte qui comportait toujours des dispositions organiques était sans objet. Or compte tenu de leur nouvelle nature juridique, c’est-à-dire en tant que dispositions ordinaires inconstitutionnelles requalifiées comme telles par le Conseil constitutionnel, les articles L.15 à L.123 font désormais partie des principales dispositions couvertes par la fraude aux textes électoraux. C’est pourquoi le Gouvernement était obligé de retirer le texte afin de soumettre un nouveau texte ne comportant que des dispositions ordinaires (L.115 à L.123). Ces nouvelles dispositions ont été réintroduites à travers le projet de loi n°21-2018 portant révision du Code électoral. La loi n° 2017-12 du 18 janvier 2017 portant Code électoral couverte par Décision du Conseil constitutionnel N° 4/C/2017 comporte incontestablement la violation de deux principes élémentaires de droit constitutionnel qui régissent les rapports entre Constitution et loi : le principe de compétence et le principe de hiérarchie. Les articles L.115 à L.123 violent le principe de compétence ou d’attribution parce que la loi ne peut régir que les matières que la Constitution lui a expressément attribuées. Les articles L.115 à L.123 expriment en conséquence une méconnaissance de la répartition des compétences telle qu’elle est constitutionnellement fixée. En clair, toute compétence non attribuée par l’article 67 ou par une autre disposition de la Constitution n’appartient pas au législateur ordinaire. La violation du principe de hiérarchie quant à elle découle directement de la violation même du principe de compétence. Dans un système hiérarchisé de normes comme le nôtre chaque règle tire sa source de validité dans une norme qui lui est supérieure. Or en raison de leur manque de base constitutionnelle, les articles L.115 à L.121 n’ont aucune existence sur le plan normatif, car ils méconnaissent la suprématie de la Constitution en violant les articles 28, 29 et 67.
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Il faut préciser que le vide juridique que constitue l’absence d’une disposition constitutionnelle habilitant le législateur à définir un régime législatif de dépôt et de déclaration de candidature a été constaté par le Conseil constitutionnel. Il a pourtant décidé de ne pas en tirer toutes les conséquences juridiques qui s’y attachent. La solution finale proposée par le juge constitutionnel sénégalais peut être qualifiée d’inconstitutionnelle parce qu’il a unilatéralement, et à dessein, modifié la nature juridique des règles adoptées en des termes différents qu’on lui avait demandé de contrôler. Par sa décision n°4/C/ 2017 du 13 janvier 2017, le Conseil constitutionnel a créé un cafouillage juridique sans précédent en modifiant les grands équilibres qui soustendent le régime électoral du Président de la République. Son contrôle de constitutionnalité du code électoral a abouti à une déclaration de conformité très surprenante. En réalité, la déclaration de conformité des dispositions relatives au dépôt de candidature à l’élection présidentielle déconcerte le bon sens juridique pour au moins quatre (4) raisons. Une incompétence du législateur constatée par le Conseil constitutionnel. L’incompétence du législateur organique à fixer le régime de dépôt et de déclaration de candidature à l’élection présidentielle n’est pas un simple commentaire dont nous faisons part. C’est le Conseil constitutionnel qui nous l’apprend, c’est lui-même qui nous le dit: « il résulte de l’article 78 de la Constitution que le législateur organique ne peut intervenir que sur invitation du Constituant et sur des matières que ce dernier a expressément qualifiées comme telles ; » Or « la Constitution, s’agissant du dépôt de candidature à la Présidence de la République, n’a pas renvoyé à une loi organique ; que, par conséquent, les articles LO.115 à LO.123 n’ont pas un caractère organique. » Le Conseil constitutionnel admet ainsi, sans réserve, l’incompétence matérielle du législateur organique. C’est en d’autres termes une manière de dire que les articles LO 115 à LO 123 ont été adoptés en violation des règles constitutionnelles de répartition des compétences. Pourquoi il n’en a pas tiré la conséquence juridique qui sied et qu’appelle cette incompétence ? Pourquoi n’a-t-il pas fait prévaloir les principes de compétence et de hiérarchie qui régissent les rapports entre Constitution et loi organique? La non motivation de sa décision finale de requalification de ces dispositions ne permet pas d’y voir clair. Cette requalification est curieusement non motivée et non fondée. La solution proposée par le Conseil est surprenante, car au lieu de sanctionner la violation des principes de compétence et de hiérarchie, il a préféré couvrir cette inconstitutionnalité manifeste par une opération de déclassement ou de requalification. Aux termes de l’article 2 de son dispositif on peut lire : « Les dispositions des articles LO.115 à LO.123, (…) n’ont pas un caractère organique, et les numéros de ces articles doivent être transcrits ainsi qu’il suit : L.115, L.116, L.117, L.118, L.119, L.120, L.121, L.122, L.123 (…)». Ce qui est le plus déconcertant dans cette décision c’est que le juge constitutionnel change lui-même la nature juridique des dispositions contrôlées (LO.115 à LO.123 >>> L 115 à L 123) sans nous dire pourquoi il requalifie et sur quelle base ! Encore faudrait-il avant de requalifier ou de passer de dispositions organiques à des dispositions ordinaires vérifier au préalable
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si le législateur ordinaire est compétent ou non. Vérification préalable d’autant plus nécessaire que le législateur ordinaire, (tout comme le législateur organique en vertu de l’article 78), ne peut en vertu de l’article 67 intervenir que sur invitation du Constituant et sur des matières que ce dernier a expressément qualifiées comme telles. Or ni l’article 67 ni aucune autre disposition de la Constitution n’invitent expressément le législateur ordinaire à compléter le régime de dépôt et de déclaration de candidature à l’élection présidentielle. Par conséquent, les articles L 115 à L 123, initialement LO 115 à L O 123, ont été requalifiés par le juge constitutionnel en méconnaissance des règles élémentaires de répartition des compétences de la Constitution. En fait, tout comme le législateur organique, le législateur ordinaire est frappé d’incompétence en raison de l’absence d’une disposition constitutionnelle de renvoi. Le Conseil constitutionnel par cet acte est devenu un législateur de fait ! En décidant de requalifier lui-même en dispositions ordinaires des dispositions organiques soumis à son contrôle, le Conseil constitutionnel a aussi violé le principe de la séparation des pouvoirs. La traduction constitutionnelle de ce principe est la répartition des compétences entre les trois pouvoirs. Dès lors, le Conseil constitutionnel est incompétent pour réécrire et / ou requalifier certains articles de la loi électorale à la place du législateur qui les a initialement adoptées. Cette prérogative relève de la compétence exclusive du législateur. En cherchant à combler un vide juridique laissé par le constituant, le Conseil constitutionnel est devenu un juge usurpateur d’une compétence et d’une fonction que ni la Constitution ni son statut ne lui attribue. D’ailleurs, il faut relever que c’est un grand paradoxe pour un juge qui a l’habitude et le réflexe d’interpréter restrictivement ses compétences de s’ériger subitement en législateur. Le refus de vérifier si le législateur ordinaire est constitutionnellement compétent et d’assurer ainsi la motivation de sa solution décrédibilise la décision du Conseil. Deux hypothèses pourraient expliquer une approche aussi déroutante : un mimétisme raté et/ou la pression du calendrier électoral en 2017 déréglé par Macky SALL et sa majorité mécanique. Pour la première, on peut subodorer que la décision n° C/4/2017 soit une réplique manquée de la décision n°75-62 DC du 28 janvier 1976 du Conseil constitutionnel français. Dans sa décision, le juge français certes avait requalifié des dispositions organiques en dispositions ordinaires. Cependant, ce que le Conseil Constitutionnel sénégalais a oublié ou n’a pas semblé comprendre c’est que dans le cas français le législateur organique avait empiété sur le domaine de la loi ordinaire. Pour son homologue français, il s’agissait juste de rétablir et de faire respecter, au moyen du principe de compétence, la répartition des compétences telle que fixée par la constitution française. Ce qui veut dire que la requalification est possible mais à condition que la loi organique intervienne dans une matière déjà attribuée par la constitution au législateur ordinaire. Il est clair qu’on ne se trouvait pas dans ce cas de figure. La seconde hypothèse est celle qui consiste à soutenir que si le Conseil constitutionnel a cherché à couvrir plutôt qu’à sanctionner l’inconstitutionnalité du Code électoral soumis à son contrôle, c’est qu’il avait pour objectif caché d’éviter deux autres procédures législatives
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distinctes qui risquaient de mettre le Gouvernement dans une situation de violation manifeste de la règle de la CEDEAO. Cette dernière interdit en effet toute réforme substantielle de la loi électorale dans les six mois précédant les élections en l’absence de consentement d’une large majorité des acteurs politiques. Il était en effet évident qu’une déclaration d’inconstitutionnalité aurait entrainé l’initiative d’une procédure de révision constitutionnelle et l’adoption d’une nouvelle loi électorale. Ce que la proximité des élections législatives du 30 juillet 2017 ne permettait pas. A côté de cette forfaiture, le Conseil constitutionnel a joué également un rôle de couverture dans l’instrumentalisation du régime pénal relatif à la déclaration de candidature. b) La restriction abusive de la liberté de candidature
En démocratie, l’essentiel de la légitimité vient du suffrage. Or, ne perdons pas de vue que dans le cadre de la sélection politique des candidats par Monsieur Macky SALL, les droits de suffrage ont été manifestement violés, systématiquement écartés. La Loi n°2018-22 du 05 juillet 2018 portant modification de la loi n° 2017-12 du 18 janvier 2017 portant Code électoral qui intègre les dispositions constitutionnelles issues du parrainage va aussi permettre de couvrir la plus grande fraude aux textes électoraux de l’histoire du Sénégal. En effet, au moment où les appréciations de l’opposition étaient centrées sur la réforme inconstitutionnelle du parrainage, le Gouvernement a frauduleusement modifié l’article L.57 du Code électoral pour restreindre et violer la liberté de candidature. Pour mesurer l’ampleur de la fraude liée à la modification de l’article L.57, il serait nécessaire de rappeler les contours des droits de suffrage auxquels il a été porté atteinte. En effet, la source de tout pouvoir est originairement entre les mains du peuple. Les électeurs peuvent être soit l’ensemble des citoyens inscrits sur des listes électorales dans un territoire déterminé soit une catégorie particulière soit ils représentent des collèges électoraux spécifiques. Le suffrage universel est ainsi la source de légitimité des gouvernants. Dans ce cadre, il est nécessaire de faire la distinction entre les droits de suffrage qui tournent principalement autour du droit de vote et de la liberté de candidature. Si le droit de vote est adossé à la notion d’électeur, il n’en est pas ainsi forcément en ce qui concerne le droit d’être éligible. En vertu de la Constitution du 22 janvier 2001, la capacité électorale, une des conditions du droit de vote, figure dans la formule de l’article 3 : « Tous les nationaux sénégalais des deux sexes, âgés de dix-huit (18) ans accomplis, jouissant de leurs droits civils et politiques, sont électeurs, dans les conditions déterminées par la loi ». On le voit, la Constitution sénégalaise parle uniquement de la notion d’électeur. Par ailleurs, l’article L.27 du Code électoral précise ces dispositions sans y ajouter un élément de fraude. Cette disposition parle aussi seulement de la notion d’électeur. Il apparait ainsi que la première condition relative au droit de vote est définie par référence à la capacité civile, la seconde est liée à la jouissance des droits civils et à l’absence d’incapacités résultant de dispositions positives du Code électoral édictant un certain nombre d’incapacités propres à la matière électorale. Pour être électeur, le
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sénégalais âgé de 18 ans révolus doit en outre jouir de ses droits civils et n’être dans aucun cas d’incapacités prévus par la loi. Aussi bien sur le fond que sur la procédure, il s’agit du respect de droits et principes à valeur constitutionnelle. Rappelons aussi que le constituant n’a jamais jugé utile de préciser les conditions d’éligibilité car pour être candidat, il n’est pas toujours nécessaire d’être électeur. D’ailleurs, il est possible d’être électeur sans être candidat. C’est la raison pour laquelle les conditions pour être candidat à l’élection présidentielle ont jusqu’en 2018 été réglées exclusivement par la Constitution et c’est tout le sens des articles 28 et 29 de la Constitution. En matière de candidature aux élections politiques, la liberté est la règle, la restriction l’exception. La règle commune est celle du caractère d’exception des textes et des règles édictant des incapacités électorales, par rapport au principe constitutionnel du libre exercice du droit à la candidature. La conséquence en est que ces textes et règles ne sauraient être étendus au-delà de leur objet, ils ne peuvent résulter que de dispositions législatives expresses, et que celles-ci ne sauraient être étendues au-delà de leurs dispositions expresses : ils ne concernent que les citoyens légalement frappés d’incapacité ou « d’indignité électorale. » Ainsi tout dispositif législatif, s’efforçant de concilier les exigences liées aux impératifs du respect scrupuleux des droits de suffrage et le maintien de leur encadrement légal, peut apparaître comme respectueux des grands principes du droit électoral. A travers ces différents éléments, il est ainsi facile de démontrer, de façon scientifique, qu’en droit sénégalais, les modifications apportées par l’article L.57 constituent une fraude à la Constitution et à l’ensemble des textes électoraux. Dans son entreprise de liquidation des adversaires politiques, Macky SALL a, par une stratégie de démolition des principes qui structurent la loi électorale, entamé et programmé à partir de cette réforme sa propre sélection politique des candidats. La modification de l’article L.57 porte atteinte à la cohérence des droits et libertés de suffrages, en y admettant l’application d’une nouvelle condition de candidature : la qualité d’électeur. Ce texte exclut de facto les candidats de l’opposition qui étaient séquestrés à travers une couverture judiciaire. C’est le cas du député-maire de Dakar, Khalifa Ababacar SALL. C’est également la modification de cet article qui a permis l’élimination de la candidature de Karim Meïssa Wade (candidat du Parti Démocratique Sénégalais), dont l’inscription sur les listes électorales a été supprimée sans même une décision administrative la motivant. La nouvelle rédaction de l’article L.57 associe de façon volontaire acte de candidature et condition d’électeur. Certes, pour être éligible il faut remplir certaines conditions. Mais jamais la condition d’électeur n’a été exigée à cet effet. La qualité d’électeur ressort d’une définition constitutionnelle par le dernier alinéa de l’article 3 du texte fondamental, et précisé par le Code électoral en son article 27, qui affirment que « sont électeurs, dans les conditions déterminées par la loi, tous les nationaux sénégalais majeurs des deux sexes, jouissant de leurs droits civils et politiques ». On le voit bien, ces textes parlent d’électeur et non de candidats. Ainsi, la fraude issue de la condition d’électeur va permettre à Macky SALL d’écarter
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définitivement certains adversaires politiques. Comme on l’a déjà dit, en matière électorale, les principes doivent être préservés mais les procédures sans doute parfois reconsidérées pour être rendues plus pertinentes. Par requête du 21 juin 2018 enregistrée au greffe du Conseil constitutionnel le 22 juin 2018 sous le numéro 3/C/2018, 17 députés de l’opposition ont saisi le Conseil constitutionnel d’un « recours en inconstitutionnalité de la loi n°21-2018 du 18 juin 2018 portant modification de la loi n°2017-12 du 18 janvier 2017 abrogeant et remplaçant la loi 2014-18 du 15 avril 2014 portant Code électoral ». Les requérants font valoir que la loi électorale ne pouvait se substituer au texte constitutionnel et que l’article L.57, alinéa 1 de la loi portant révision du Code électoral ne peut, sans encourir une déclaration d’inconstitutionnalité, poser une condition supplémentaire par rapport aux conditions prévues par l’article 28 de la Constitution. Fruit d’un plan minutieux, la modification de l’article L.57 a été largement couverte par le Conseil constitutionnel dans le cadre du contrôle sur saisine de l’opposition. La motivation du Conseil constitutionnel dans son considérant 32 avait pour principal objectif de préparer la Décision portant proclamation définitive de la liste des candidats à l’élection présidentielle. Appelé par l’opposition à déclarer non conforme à la Constitution les nouvelles dispositions de l’article 57 formulées en ces termes : « Tout sénégalais électeur peut faire acte de candidature », le Conseil constitutionnel a systématiquement rejeté le recours de l’opposition sur la base d’un faux considérant qui heurte la conscience de tout juriste averti. La fraude à la Constitution est tellement manifeste qu’elle viole et démolit les droits fondamentaux. c) La confiance perdue en la justice constitutionnelle
La démocratie, c’est avant tout une idée ; une idée selon laquelle les personnes acceptent, en contrepoint de leurs différends, un lien, une référence, communs à partir desquels les juges peuvent, en toute indépendance, trancher. C’est tout le sens de la justice constitutionnelle. Ce besoin de justice constitutionnelle n’a pas pu trouver d’écho devant le Conseil constitutionnel. L’institution s’est définitivement discréditée aux yeux de l’opinion et de l’opposition sénégalaise. Trouver des « Sages » est une idée aussi belle que difficile à réaliser. C’est pourquoi les membres de l’opposition sénégalaise ont une doctrine en matière de justice constitutionnelle, ce qui a permis de dégager un consensus fort entre eux : le Conseil constitutionnel s’est disqualifié par un mélange singulier de contrevérités juridiques et de subtiles motivations qui sapent les fondements de l’Etat de droit et de la démocratie. Aujourd’hui, le Conseil constitutionnel sénégalais, c’est précisément le contraire de l’Etat de droit et de la démocratie, c’est une juridiction qui légifère et un juge qui applique les volontés de Monsieur Macky SALL. En vérité, sous son régime, la justice constitutionnelle est systématiquement refusée à l’opposition. Le Conseil constitutionnel, juridiction sans réflexe constitutionnel, reste encore retenu et vassalisé par le Président, signe
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que Macky SALL véhicule sous les mots « Conviction Républicaine » le goût monarchique et l’esprit autoritaire. D’ailleurs, l’une des lignes de force de sa politique a principalement tourné autour de la modification du rapport pouvoir-opposition, au travers de la justice constitutionnelle. C’est ici le lieu de rappeler et d’informer que par plusieurs lettres confidentielles, le Président de la République a eu à demander l’avis du Conseil constitutionnel sur les modifications substantielles des règles électorales. Le Conseil a toujours rendu des décisions à la place des avis, malgré une révision constitutionnelle, à la suite du référendum du 20 mars 2016, lui donnant une habilitation expresse en la matière. Cette violation manifeste des nouvelles dispositions constitutionnelles pourtant soumises par Macky Sall permet à suffisance de comprendre le degré de complicité du Conseil constitutionnel dans l’entreprise de démantèlement de l’Etat de droit. De son côté, l’opposition, dans le cadre de ses responsabilités, a saisi le Président du Conseil constitutionnel de plusieurs lettres et requêtes auxquelles il a souvent répondu par le mépris. Monsieur Pape Oumar SAKHO, Président du Conseil constitutionnel, n’a jamais voulu répondre aux lettres et requêtes de l’opposition. Mieux, il a toujours rejeté systématiquement les recours de l’opposition sans aucun fondement juridique sérieux. Nous en concluons que pour aller vers la vraie démocratie, Macky SALL doit respecter, enfin, la justice comme un pouvoir indépendant. L’opposition, elle, respectera toujours la justice, mais dans la vérité.
B. Le dérèglement général du système de gestion et de contrôle du processus électoral
La gestion administrative des élections repose au Sénégal sur deux institutions. D’une part, la Direction Générale des Élections (DGE), créée en 1997 au sein du Ministère de l’intérieur et qui a la charge d’organiser les opérations électorales en prenant appui sur la Direction de l’automatisation du fichier (DAF) et la Direction Générale de l’Administration Territoriale (DGAT). D’autre part, ces opérations électorales, qui vont de l’étape d’inscription sur les listes électorales jusqu’au recensement des résultats, sont contrôlées, en principe, de bout en bout par la Commission Électorale Nationale Autonome (CENA). Le critère fondamental qui détermine leur crédibilité et fonde la confiance des acteurs à leur égard repose sur leur neutralité. Or, depuis 2013, en raison d’une gestion politicienne de la question électorale, la crédibilité de l’administration élection gangrène le processus électoral dans son ensemble.
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1. La neutralité douteuse de l’Administration électorale
La neutralité de l’administration électorale est mise en doute, non pas parce que les hommes qui l’animent directement sont politiquement colorés, mais parce que l’exercice des missions régaliennes à elle confiée n’ont pas servi l’intérêt général mais celui qui les a nommé aux postes dont ils assurent la responsabilité. Les différentes interventions de ceux qui l’incarnent ont en réalité favorisé le parti au pouvoir pendant tout le processus électoral et ont tout aussi largement contribué aux résultats contestés du 24 février 2019. Au lendemain des élections législatives du 30 juillet 2017, considérées comme les élections les plus désorganisées de l’histoire du Sénégal19, l’opposition avait exprimé son souhait de voir une personnalité neutre, c’est-à-dire non politiquement colorée, diriger le ministère de l’intérieur. C’était sans compter avec Monsieur Macky Sall qui tenait à reproduire et amplifier les mêmes stratégies et techniques de fraude qui lui ont assuré une victoire peu glorieuse le 30 juillet 2017, d’où la nomination de M. Ali Ngouille Ndiaye20, responsable politique actif du parti au pouvoir, comme Ministère de l’Intérieur et de la Sécurité Publique (MISP). L’une de ses premières déclarations publiques a été de dire : « J’ai la ferme intention de travailler pour que le Président Macky SALL gagne au 1er tour de l’élection présidentielle du 24 février 2019. Pour chaque soutien du président, je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour lui permettre de s’inscrire ; s’il s’inscrit je ferai tout pour qu’il obtienne sa carte ; s’il obtienne sa carte, je ferai le nécessaire pour qu’il vote. »21 Cette déclaration est la preuve ultime que le ministre n’a jamais eu conscience de la grandeur de sa charge et qu’il doit, en toute circonstance, servir la République, mais pas un homme. Elle est d’autant plus grave que ses propos n’ont pas été prononcés en qualité de responsable politique pour la bonne et simple raison que ce qu’il dit vouloir faire pour son candidat il ne pouvait raisonnablement le réaliser en tant que politicien mais seulement parce qu’il est ministre chargé des élections. C’est une question de bon sens ! Avoir une telle personnalité à la tête du MISP était la plus grande menace sur la transparence et la sincérité du processus électoral, car le Ministère est le premier responsable des élections mais aussi c’est sous son autorité que se déploie toute l’administration électorale, notamment la DGE, la DAF et la DGAT. Le choix des personnes est encore d’autant plus important qu’aucune présomption d’impartialité ne doit peser sur les premiers responsables de l’administration électorale. Or l’un des piliers du système de fraude technique appliqué lors des élections législatives de 2017 ne pouvait se faire sans une gestion informatique volontairement défectueuse du fichier électoral. A cet égard, le maintien de Monsieur Ibrahima Diallo à la tête de la DAF alors qu’il 19 A ce propos, voir : La Coalition de partis de l’opposition : Wattu Senegaal, Eléments d’un livre blanc sur la mascarade électorale du 30 juillet 2017 au Sénégal et les raisons d’une non élection, Dakar le 4 Août 2017, 48 p. 20 Il remplace à ce poste un autre responsable politique de l’APR, Abdoulaye Daouda Diallo. C’est sous la responsabilité de ce dernier que les législatives de 2017 ont été organisées. 21 Propos tenus le 25 février 2018 à la 2 STV dans le cadre de l’émission ‘‘ Cartes sur table’’, https://www.youtube.com/watch?v=o-0IejDwtYI
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est appelé à faire valoir ses droits à la retraite depuis 2015, conformément l’article 39 de la Loi n° 2009-18 du 9 mars 2009 relative au statut du personnel de la Police nationale, a participé à corrompre toute la branche informatique du processus électoral. Sans qu’il ne soit nécessaire même d’aborder ici son rôle direct dans la manipulation des données électorales, la présence de Monsieur Diallo à la DAF depuis 2013 loin d’être insignifiante est un indicateur plus que pertinent afin de jauger la bonne foi des autorités à organiser un scrutin sincère. Il en est ainsi pour la bonne et simple raison que M. Diallo, dans sa pratique de l’administration, est réputé être très peu soucieux du sens du service public et de l’intérêt général. Lorsque l’état du Sénégal a mis en place un système des passeports électroniques (SPE) en 2007, il était prévu de créer plusieurs centres de dépôt et de production de passeports au niveau local et à l’étranger. Monsieur Diallo en sa qualité de Directeur du Budget et des Matériels du ministère de l’Intérieur avait la responsabilité d’exécuter le budget dédié à la réalisation de ces centres. La Cour des comptes dans son Rapport public de 2009 avait exprimé toute sa surprise de constater que les centres de Matam et Tambacounda, pourtant prévus par le « Document de Travail », n’ont pas vu le jour alors que leur situation frontalière [faisait] de leur création une exigence de premier ordre22. Pire, la Cour a constaté que « les opérations [financières] y afférentes ont été liquidées et réglées sur la base de fausses certifications. »23 Sur la base de ces malversations manifestes, la Cour des comptes, sans aucune autre forme de réserve, recommanda : « de traduire Monsieur Ibrahima Diallo, ancien Directeur du Budget et des Matériels, pour toutes les irrégularités qu’il a commises dans le cadre de la passation des marchés publics et de l’exécution des dépenses publiques, devant le conseil d’Enquête pour manquement aux devoirs de sa charge, conformément à la loi »24. Comment quelqu’un qui, d’après les faits à lui reprochés par la Cour des comptes, est sous le coup de l’article 152 du code pénal pour détournement de deniers publics, de l’article 132 du même code pour faux en écriture publique sans compter les sanctions administratives qui étaient susceptibles de lui être appliquées, ait pu échapper à une exigence élémentaire d’un Etat droit : la justice. Lorsque Monsieur Diallo bénéficia d’une promotion manquée en tant que Directeur de la Police nationale, justement en raison de son passé peu glorieux en tant que directeur du Budget au MISP, c’est à peine croyable qu’il se retrouve à gérer, depuis 2013 alors qu’il est à la retraite depuis 2015, la partie la plus stratégique et la plus technique du processus électoral : l’automatisation du fichier. C’est dire donc que Monsieur Diallo, compte tenu de son profil pénal, a servi insidieusement à réaliser toutes les manipulations techniques sur le fichier et est au service exclusif du régime en place qui tenait systématiquement à le conserver. Le rôle de l’administration territoriale a été déterminant dans la réalisation finale du hold-up du 24 février 2019. Sa neutralité dans l’exercice de la mission à elle confiée par le code
22 Cour des comptes, Rapport public 2009, p. 87, http://www.courdescomptes.sn/publications/rapports/rapportspublics-annuels/page/2/ 23 Idem, p. 87, 24 Idem., p. 92
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électoral dans le cadre du processus électoral a été des plus incompatibles avec la réalisation d’une mission de service public. Ainsi en ce qui concerne la constitution des Commissions Administratives (CA) d’inscription sur les listes électorales, chargées des opérations d’établissement et de révision des listes électorales, l’administration territoriale a très peu respecté l’article L.39 du code électoral lequel prévoit que la CA doit être « composées d’un président et d’un suppléant désignés par le préfet ou le sous-préfet, du maire ou de son représentant et d’un représentant de chaque parti politique légalement constitué ou coalition de partis ». Dans la pratique de l’administration territoriale, il a été remarqué la violation systématique de la loi électorale avec la constitution de commissions à l’insu des partis et coalitions de partis politiques d’opposition. En effet, d’après ce Comité de suivi des opérations de la refonte partielle des listes électorales25, « sauf la circonscription de Kolda, le constat est général d’une absence quasi-totale des représentants des partis politiques dans les CA. La présence d’un représentant du maire au sein des CA est rare. »26 Vu le nombre de partis politiques qu’il y a au Sénégal et le combat mené pour la transparence électorale, il ne fait pas de doute que cette absence systématique de l’opposition dans les CA a été voulue et programmée par la haute hiérarchie et scrupuleusement exécutée l’administration territoriale. La violation manifeste de l’article L.39 par les autorités administratives marque la première étape dans la chaine de fraude. En effet, la non application de L. 39 a non seulement facilité l’enrôlement d’une part de milliers « d’électeurs » sur la base de faux extraits et d’autre part de beaucoup des mineurs ! Etant donné que l’exclusion des partis politiques de l’opposition dans les CA était la règle, on peut raisonnablement soutenir, comme la CENA l’a déjà reconnu dans son rapport repris par la MAFE 2018, qu’on a utilisé de très nombreux faux extraits de naissance accompagnés de certificats de résidence de complaisance afin d’appuyer des « transferts d’électeurs » d’une commune à une autre afin de renforcer la position d’un dirigeant politique local. Ce fut le cas, dans le département de Goudiry par exemple ou « on a utilisé de très nombreux extraits de naissance contenant des mentions dont l’authenticité était sujette à caution ».27
25 Le Comité de suivi, dont la présidence était assurée par la CENA, était composé de représentants de la CENA, des Ministères – (MISP représenté par la DGE, la DAF, la DGAT, MAESE) – des partis politiques, regroupés alors autour de quatre pôles représentant respectivement la majorité, l’opposition, les non-alignés et les indépendants-et des représentants de la société civile (COSCE et PACTE). La mission du Comité comportait trois volets précisés dans l’arrêté n 4759 du MISP portant création de ce mécanisme : le suivi des opérations d’enrôlement au niveau des CA par des missions de supervision ; le suivi du traitement au niveau central des opérations, allant des opérations d’enrôlement jusqu’à la distribution des cartes ; la formulation de propositions ou de recommandations en vue d’améliorer le processus électoral (article 4). V. Centre Européen d’Appui Électoral (ECES), Rapport de la Mission d’Audit du Fichier Electoral Sénégal 2018 (Rapport MAFE 2018), Dakar, le 26 Février 2018, http://www.eces.eu/template/Rapport%20final%20Mission%20Audit%20du%20Fichier%20Electoral%202018%2 0Republique%20du%20Senegal.pdf 26 Idem. p. 34-35. 27 CENA, Rapport sur les élections législatives du 30 juillet 2017, p. 20, https://www.cena.sn/site/rapports/legis_2017.pdf ; Rapport MAFE 2018, p. 31-32.
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Mais ce que les Rapports de la CENA et de la MAFE ne disent pas, c’est que lorsqu’une inscription sur les listes électorales s’est faite sur la base d’un faux extrait de naissance, elle donne lieu, si elle validée par la DAF, à la confection d’une pièce d’identité et par ricochet la création dans le fichier électoral d’électeur fictif. Or, rien n’a été fait par la justice pour vider le contentieux lié à l’inscription sur la base de faux extraits de naissance à Goudiry et déclenché par la CENA. Dès lors, comme l’a rappelé, Monsieur Issa Sall membre de la CENA, il y a eu durant la révision exceptionnelle de 2017 plus de 7000 faux extraits de naissance qui ont été utilisés28. Dans le cas de Goudiry, retenu à titre illustratif, on peut dire que cette inscription massive à partir de faux extraits ait permis directement à la coalition au pouvoir (BBY) d’avoir lors des législatives de 2017, 13743 voix sur 23783 votants, c’est-à-dire justement une différence de 7269 voix entre elle et la coalition arrivée deuxième la Coalition Taxawu Sénégal avec ses 6 474 voix. Mais ce qui frappe avec les résultats de Goudiry lors de la présidentielle de 2019 c’est qu’alors qu’il n’y a eu que 4973 nouveaux votants le score de la coalition au pouvoir est passé de 13743 à 28756. Pire le score obtenu par la Coalition Taxawu Sénégal en 2017 (6474), représentée à la présidentielle de 2019 par la coalition Idy 2019, a paradoxalement baissé avec seulement 1964 voix, soit une baisse de 4510 voix ! Donc l’arrivée de nouveaux votants et l’augmentation du taux de participation n’a profité qu’à la coalition au pouvoir. Ce qui suffit à montrer à travers cet exemple de Goudiry, le caractère purement artificiel des résultats de ce département. Ce qu’il faut aussi noter c’est que le transfert d’électeurs sur la base de faux extraits de naissance a été noté dans plusieurs autres départements. Cependant le fait que la CENA s’est gardée de révéler le nombre exact de départements concernés par cette forme de fraude à l’état civil montre non seulement que la CENA est relativement complice, mais révèle aussi une pratique savamment organisée au niveau national, car le département de Goudiry n’en constitue qu’un exemple parmi d’autres comme nous le rappelle la CENA dans son rapport29. Au demeurant, si cette forme de fraude a pu prospérer et réussir, c’est que le régime initial d’inscription sur les listes électorales (décret n° 2016-1536 du 29 septembre 2016) qui exigeait une pièce d’identité pour la formalité d’inscription a été unilatéralement modifié par le décret n° 2016-2033 du 19 décembre 201630. Ce dernier a instauré la possibilité de s’inscrire sur simple présentation d’un extrait de naissance et d’un certificat de résidence. Cette nouveauté a permis aux maires de BBY dans plusieurs localités d’avoir la possibilité d’établir massivement de faux extraits de naissance et de permettre logiquement l’obtention de faux certificats de résidence. En soi le transfert d’électeurs pourrait être sans incidence sur le scrutin de l’élection présidentielle puisqu’il ne permet pas théoriquement d’accroître le nombre de votants 28 Idem. 29 CENA, Rapport sur les élections législatives du 30 juillet 2017, p. 20 30 Idem.
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Cependant il est preuve de graves manipulations du fichier électoral. Il s’est avéré moyen d’empêcher le vote d’électeurs « déplacés » contre leur gré comme ce fut le cas pris à titre d’exemple de 244 électeurs résidant en Suède inscrits aux Pays Bas, devant aller voter après un trajet de 15h de route alors qu’il existe un bureau en Suède ; le même procédé étant utilisé au niveau de la France et partout ailleurs dans la diaspora dans le but d’empêcher le vote d’électeurs de la diaspora identifiés pour atténuer l’importance d’une défaite attendue. Il a également été un des moyens pour créer des votes fictifs par émargement sur des listes dans des bureaux où les représentants de l’opposition n’étaient pas présents. Ces présences ont été en particulier difficiles à organiser dans les centres de vote ne comprenant qu’un seul bureau de vote (sur le territoire nationale 4101 centres de vote sur un total de 6549 ont un bureau de vote unique ; dans ces bureaux le vote favorable au candidat Macky Sall est de 67% soit de 10 points supérieur à la moyenne). La violation de l’article L.39 du code électoral par les autorités administratives a aussi favorisé une forme inédite de fraude, à savoir l’enrôlement et le vote des mineurs. En effet, d’après le compte-rendu de la seconde réunion (le 8 février 2018) du Comité de suivi des opérations de la refonte partielle des listes électorales, dont la CENA était membre, il a été observé « l’enrôlement d’électeurs mineurs »31 ! Toutefois, le Rapport de la MAFE 2018 a conclu à l’absence de mineurs dans le fichier32. Cette conclusion se révèle fausse a posteriori dans la mesure où il a été observé sur le terrain et à partir de plusieurs éléments de preuve audio-visuels que des mineurs enrôlés ont obtenus leurs cartes et ont pu voter le 24 février. Il s’agit en fait de mineurs inscrits sur la base de faux états civils comme cela sera démontré dans la suite du présent rapport. Ce fait inédit, et d’une gravité extrême, révèle deux choses : Ø D’une part, l’absence d’intégrité de toute la chaine du processus électoral de l’enrôlement jusqu’à la délivrance des cartes. Ø D’autre part, et c’est le plus inquiétant, le fait que le fichier électoral contrôlé par les experts de l’Union européenne n’ait révélé aucune inscription de mineurs alors qu’il y avait eu enrôlement de mineurs à la base montre que ces experts n’avaient pas contrôlé le bon fichier électoral. Cette situation sur l’enrôlement des mineurs confirme à elle seule l’existence d’au moins deux fichiers. L’absence de rigueur du Ministère de l’intérieur et de la DAF s’est aussi manifestée dans le traitement des données issues des enregistrements d’électeurs. Alors que les données collectées devaient être initialement transmises via internet, la DAF va finalement ‘‘s’organiser’’ autour d’une solution rétrograde : la transmission manuelle données. Les conséquences de cette incompétence organisée étant non seulement la perte des fiches d’enrôlement mais aussi une la répétition de la saisie des données au niveau central. Le manque de personnel aidant, d’innombrables erreurs matérielles ont été relevées sur les cartes
31 Rapport MAFE 2018, p. 34. 32 « Il n’y a donc pas de mineurs sur la liste suite à l’analyse des dates de naissance. », Rapport MAFE 2018, p. 52.
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éditées33 sans oublier les retards records dans la confection et la distribution des cartes d’électeurs.
2. La démission de la Commission électorale nationale autonome
Le rôle de la CENA devient depuis l’avènement de la seconde alternance, de moins en moins déterminant dans la supervision et le contrôle du processus électoral. La CENA ne semble pas apprivoiser toutes ses compétences. Elle se replie dans sa pratique actuelle derrière une approche constative en substitution des fonctions réellement actives à elle confiée par le législateur. Sans qu’il ne soit nécessaire de relever tous les manquements dont la CENA est responsable et qui illustrent sa démission, il y a lieu d’en relever quelques-uns afin de justifier le propos. Comme nous le savons, la CENA doit, en vertu de l’article L.11 du code électoral : « superviser et contrôler l’établissement et la révision des listes électorales par la nomination d’un contrôleur auprès de toute commission ou toute structure chargée de l’inscription sur les listes électorales, ainsi que leur révision ». Dès lors, il est inexcusable que la CENA ait pu pourtant valider l’établissement de beaucoup de CA dont la composition violait pourtant de façon flagrante l’article L.39 du code électoral. En effet, selon le Rapport du Comité de suivi des opérations de la refonte partielle des listes électorales34, et plus précisément sa commission chargée de la supervision des enrôlements : « Sauf exception (la circonscription de Kolda) le constat est général d’une absence quasi-totale des représentants des partis politiques dans les CA. La présence d’un représentant du maire au sein des CA est rare. »35 Parmi les manquements graves directement imputables à la CENA et que le Rapport du comité de suivi soulève, il y a un fait inédit, à savoir : l’enrôlement des mineurs. Or selon la loi électorale le contrôleur de la CENA présent au moment de l’inscription « garde un feuillet de l’attestation d’inscription ou de modification de l’inscription de chaque électeur, appose son visa sur le récépissé d’inscription remis à l’électeur et sur la souche qui sert à la saisie informatique. »36 L’existence de mineurs enrôlés est déjà, en soi, un manquement grave qui démontre la démission de la CENA. Nous savons aussi qu’il revient à la CENA de « superviser et contrôler l’impression, la distribution et la conservation des cartes »37. En réalité, la passivité de la CENA a été telle qu’une militante même de l’APR au MAROC s’est permise de confisquer 600 cartes d’identité.
33 Rapport MAFE 2018, p. 34-35. 34 Dont la CENA est partie prenante. 35 Rapport du Comité de Suivi repris par le Rapport MAFE 2018, p.35. 36 V. article L.11 du code électoral. 37 Idem.
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A part le consulat du Sénégal au Maroc, la Délégation Extérieure de la CENA (DECENA) encore moins la CENA n’ont jugé opportun de réagir face à un acte qui allait priver à de nombreux de nos concitoyens établis au Maroc de leur droit de vote. Des scènes analogues ont eu lieu en France, notamment à Paris ou des responsables politiques du parti au pouvoir procédaient sans supervision au tri sélectif des cartes. Nous savons également que la CENA a pour rôle de « superviser et contrôler tout le processus d’établissement et de gestion du fichier électoral, avec un droit d’accès à la documentation relative aux analyses, à la configuration physique du matériel et des équipements informatiques, à la programmation et aux procédures de saisie, de mise à jour, de traitement et de restitution des données ; (…) contrôler et superviser toute mise à jour de la carte électorale ; ». Or le manque d’implication de la CENA dans le contrôle de la fiabilité du fichier a été fatal aussi bien pour candidats à la candidature que pour les citoyens parrains. En effet, dans le contrôle des listes de parrainages par le Conseil constitutionnel, sans la présence de la CENA, plusieurs parrainages ont été rejetés pour cause de région de vote non conforme. En réalité, le parrainage a révélé une pratique massive de ciblage et de transfert forcé d’électeurs. Le nombre de rejets pour région de vote non conforme aurait dû alerter la CENA. Elle n’est pas sensée ignorée l’article L. 53 en vertu duquel : « une demande de modification des données électorales ne peut se faire que devant une commission administrative et pendant la période de révision des listes électorales ». Autrement la modification des données électeurs doit être un acte purement volontaire. La Coalition Idy 2019 est en mesure de dire que ce transfert massif n’a pas seulement permis d’égarer les électeurs le jour du vote, il a permis de capturer le vote de cette catégorie électeurs avec les « MESSAGES DEPART » du ministre de l’Intérieur. Dans le cadre des manquements à ses responsabilités, le plus grave et le plus humiliant a eu lieu le jour même du scrutin. En effet, le 24 février 2019, au matin, le Ministre de l’intérieur s’est adjugé un pouvoir normatif inédit qui normalement ne devait laisser indifférent l’organe principal de supervision et de contrôle des élections. En effet, en prenant ses deux « MESSAGES DEPART », le Ministre de l’intérieur a entendu modifier et entacher la sincérité de toutes les opérations de vote. Le premier « Message Départ » n°66/RACS permet « (…) à tous les détenteurs de carte d’identité biométrique CEDEAO faisant office de carte d’électeur mais n’ayant pas retrouvé leur nom sur la liste d’émargement du bureau indiqué sur sa carte [de voter] dans le dernier bureau du lieu de vote où son nom figure sur la liste d’émargement ». Dans le second « Message Départ » n°68/RACS, le Ministre va plus loin. Il prévoit que : « lorsqu’un électeur ne se trouve pas dans la liste d’émargement du bureau de vote indiqué sur la carte d’électeur … Il (cet électeur) peut voter dans tout bureau du lieu de vote ou son nom figure sur la liste d’émargement ». Ces actes estampillés « Très urgent » et dont la CENA a reçu ampliation ont violé non seulement le principe fondamental en matière de vote mais aussi le régime de modification de la carte électorale. Le principe violé est un principe élémentaire que la CENA ne pouvait ignorer, à savoir : pour voter, il faut être inscrit, donc figurer sur la liste d’émargement et avoir
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sa carte d’électeur. Ce qui veut dire que l’électeur doit impérativement satisfaire ces deux conditions cumulatives au moment même du vote. La CENA ne pouvait pas ignorer qu’à l’exception des électeurs mentionnés aux articles L.69 et L.331 qu’un électeur qui détient sa carte d’électeur mais dont le nom ne figure pas sur la liste d’émargement du bureau indiqué sur sa carte d’électeur n’est pas admis à voter. Aussi la CENA ne pouvait ignorer non plus l’article L. 66 du code électoral que : « La liste des bureaux de vote sur l’ensemble du territoire national est définitivement arrêtée et publiée trente (30) jours avant le scrutin par le Ministre chargé des Elections sous la supervision et le contrôle de la C.E.N.A. Elle ne peut faire l’objet d’aucune modification. » Le jour du scrutin la CENA avait donc sous ses yeux deux actes administratifs qui violaient la loi électorale dont elle a la responsabilité de contrôler le respect. L’attitude de la CENA est d’autant plus suspecte et déconcertante qu’elle a eu pourtant dans un passé récent à intervenir contre une circulaire du Ministre de l’intérieur lequel supprimait la règle de la confirmation de l’inscription sur les listes électorales. Cette circulaire qui répondait certes favorablement à une demande de l’opposition, a été jugée illégale par la CENA, car, comme elle l’a rappelé dans sa délibération de la délibération du 13 décembre 2016, une circulaire « ne peut déroger à une loi ou à un règlement ». Finalement, l’abandon de la notion de confirmation se fera, conformément au principe de la hiérarchie des normes, au moyen d’une révision législative, c’est-à-dire avec la loi n°2017-08 du 9 janvier 2017. Cet épisode sur la règle de confirmation montre que le volontarisme dans l’exercice d’une mission, de surcroît aussi fondamentale, est une question de choix. Toutefois, ce volontarisme ponctuel, et qui curieusement concernait la réalisation d’une demande de l’opposition (quoique légitime par ailleurs), contraste avec la passivité flagrante de la CENA eu égard à la modification unilatérale et illégal du code électoral le jour même du scrutin par le Ministre de l’Intérieur. Au total, autant les décisions du Ministre sont irrégulières et expriment une forfaiture programmée, autant l’attitude extrêmement impassible, voire complice de la CENA est inexcusable. Comment dans ces conditions la CENA peut-elle valider la sincérité du scrutin du 24 février 2019.
II. La réalisation du hold-up : un scrutin non sincère
La non sincérité du scrutin du 24 février ne souffre d’aucune ambiguïté. La manipulation du fichier électoral a été l’outil principal par lequel s’est réalisée la confiscation du suffrage des Sénégalais. L’audit du fichier a en effet permis de déceler une fraude massive à l’état civil (A). Cette forme de fraude inédite, et qui enlève, pour la première fois depuis l’indépendance, toute crédibilité à notre état civil national, a permis d’introduire plus d’un million d’électeurs fictifs dans le fichier général des électeurs. Le mécanisme d’insertion de ces électeurs fictifs ainsi que les milliers d’électeurs victimes d’un transfert forcé de leur lieu de vote a été envisagé en amont et exécuté le jour même du vote grâce à une modification illégale du régime des opérations de vote (B).
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A. L’atteinte à l’intégrité du fichier électoral : une fraude inédite à l’état civil
Pour connaitre la gravité des actes qui ont été posés par l’ensemble de l’administration électorale afin de favoriser leur candidat au moyen d’un trafic de l’état civil, il est tout d’abord nécessaire de rappeler le cadre légal qui régit l’état civil sénégalais. L’obtention d’un N.I.N, et subséquemment l’obtention du passeport ou de la carte d’électeur au Sénégal est subordonnée à la possession d’un état civil conformément à l’article 29 de la Loi 72 – 61 du 12 juin 1972 portant Code de la Famille, aux dispositions de la Convention Internationale sur les droits de l’Homme et aux dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966. L’état d’une personne se définissant comme étant, en droit, un ensemble d’éléments qui caractérisent sa situation par rapport à la Famille et à la Nation, par conséquent, la personne qui n’est pas à même de rapporter la preuve de son état par un acte de l’état civil est censée ne pas exister. Au Sénégal, aux termes des dispositions des articles 31 et 32 de la Loi 72- 61 du 12 juin 1972, le Maire – Officier de l’état civil assure l’enregistrement des faits de l’état civil, la conservation des registres et la délivrance des copies et extraits d’actes de l’état civil, sous le contrôle et la surveillance du Tribunal d’instance ( ex Tribunal départemental) et du Parquet. Donc, en clair, la carte nationale d’identité renferme des informations relevant de l’état civil de l’individu et des données biométriques. A chaque individu, dans le souci sécuritaire d’une bonne identification et d’une bonne individualisation, il est attribué un numéro d’identification nationale (N.I.N) qui est une composante alphanumérique de treize ( 13 ) chiffres qui renseigne sur le sexe, le centre d’enregistrement de l’acte de naissance, de l’année de naissance ( ou du jugement d’autorisation d’inscription du Tribunal d’instance, ou de transcription ), et du numéro de l’acte de naissance dans le registre. Ce numéro de l’acte de naissance dans le registre qui est coté et paraphé par un juge du Tribunal d’Instance (ex T. départemental) ne peut être attribué et porté que par un seul individu. Étant chronologique, l’attribution de ce numéro ne peut faire l’objet d’aucune autre attribution en mode bis repetita qui est un modus operandi souvent utilisé par la DAF en violation des principes et règles gouvernant l’état civil (cela a faussé la sincérité des rapprochements des différents fichiers au cours des Parrainages au niveau du Conseil Constitutionnel). Dans la composante alphanumérique de treize (13) chiffres communément appelée N.I.N, le deuxième groupe de chiffres portant Code du centre de l’état civil d’enregistrement de l’acte
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de naissance de l’individu est attribué suivant une procédure transversale impliquant la DGAT/MINT, le Ministère de la Gouvernance Territoriale et la Collectivité Territoriale demanderesse. Toutes les entités territoriales exerçant une activité relevant de l’état civil ont un Code centre qui leur est propre au niveau départemental, national et consulaire. A titre d’exemples : LIBELLE ETAT CIVIL CODE ETAT CIVIL ABASSE NDAO CENTRE HOSPITALIER 755 AVENUE EMILE BADIANE 753 BOURGUIBA 757 CAMBERENE 762 COLOBANE GUEULE TAPEE FASS 965 DAKAR PRINCIPAL 751 DERKLE 908 FANN 848 GOREE 764 GRAND DAKAR AMITIE 756 GRAND DAKAR DARABIS 990 GRAND YOFF 758 HLM 954 HANN SUR MER 763 HANN VILLAGE 869 HOPITAL LEDANTEC 752 HOPITAL PRINCIPAL 870 MEDINA SECONDAIRE 950 MERMOZ SACRE CŒUR 998 NGOR 760 OUAKAM 761 PATTE D’OIE 952 RUE 6 X 25 754
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SERVICE D’HYGIENE 871 SICAP LIBERTE 960 YOFF 759
La mise à disposition du Fichier électoral aux candidats de l’élection présidentielle du 24 février 2019 a permis d’effectuer des tests de cohérence et d’exhaustivité portant essentiellement sur les centres d’état civil de la région de Dakar par rapport à leur existence et leur localisation géographique et physique. L’audit du fichier électoral, grâce à un procédé de sondage, des tests de cohérence portant sur le contenu des registres des centres et numéro d’identification national du Fichier DAF, a permis de constater des irrégularités d’une extrême gravité. Elles sont de sept ordres : 1. Des cartes établies sur la base de pièces d’état civil inexistantes avec des numéros de déclaration au registre appartenant à d’autres citoyens. 2. Des numéros de carte d’identité intégrant un numéro de centre d’état civil alors qu’à la date de déclaration de la naissance ce centre n’existait pas encore. 3. Des numéros d’acte d’état civil dépassant le numéro de clôture du registre concernant le citoyen dont la naissance est déclarée. 4. Des numéros de N.I.N reprenant des codes inexistants dans le répertoire de codification. 5. L’inscription massive d’électeurs par audience foraine conduisant à des aberrations en matière d’évolution démographique. 6. L’attribution de doublons sur le fichier électoral en mode bis-repetita. 7. Des électeurs dont le lieu de naissance est « Sénégal » sans qu’il ne soit possible de leur trouver un lieu précis de naissance.
1. Des cartes établies sur la base de pièces d’état civil inexistantes.
Faisant suite au décret n° 2005-787 du 6 septembre 2005 portant fixation du modèle de la carte nationale d’identité numérisée, des libellés de son contenu, des conditions de sa délivrance et de son renouvellement, le ministère de l’intérieur a attribué à chaque centre d’état civil un code d’identification. L’audit du fichier électoral a permis de déceler des incohérences flagrantes et manifestement frauduleuses.
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Pour le cas du centre principal de la ville de Dakar (code 751), des dizaines de milliers de cas suspects ont été décelés car les lieux de naissance sont différents de Dakar et ne sont pas dans les cas de transcription conformément à l’article 44 du code de la famille. Une comparaison des numéros N.I.N affectés à ces électeurs et le fichier de l’état civil a permis de déceler le tripatouillage du fichier électoral. A titre d’exemple 1- L’électeur KHADIDIATOU THIOUBE, né à BARGNY ayant la carte n° 106195683 et la N.I.N n°2 751 1998 00539 signifie qu’elle est déclarée au centre d’état civil de Dakar en 1998 et que son numéro de registre est 00539. Une vérification du registre de 1998 nous donne ODILE Adélaïde DIOUF né le 27/01/1998 à Dakar. Khadidiatou THIOUBE est donc une électrice fictive. 2- L’électeur ADAMA NDIAYE, né à DAHRA ayant la carte n° 106843756 et la N.I.N n° 1 751 1969 00174 signifie qu’il est déclaré au centre d’état civil de Dakar en 1969 et que son numéro de registre est 00174. Une vérification du registre de 1969 nous donne DIEYNABA SARR né le 31/12/1969 à Dakar. Adama NDIAYE non plus n’existe pas. C’est un électeur fictif. 3- L’électeur MAME MARIAMA SISSOKO, né à KAOLACK ayant la carte n° 101717097 et la N.I.N n° 2 751 1992 06820 signifie qu’elle est déclarée au centre d’état civil de Dakar en 1992 et que son numéro de registre est 06820. Une vérification du registre de 1992 nous donne KHADY NDAO 20/10/1992. Par conséquent, Mame Mariama SISSOKO est une électrice fictive crée de toute pièce et intégrée au fichier.
2. Des numéros de carte d’identité antérieurs à la création du centre d’état civil.
La loi n°72-25 du 19 Avril 1972 portant création des communautés rurales et la loi n°96-06 du 22 Mars 1996 portant Code des Collectivités Locales affectent respectivement aux présidents de communautés rurales et aux maires des communes d’arrondissements la compétence d’officier d’état civil. Ces deux lois ont été abrogées par la loi n° 2013-10 du 28 décembre 2013 portant Code Général des Collectivités Locales qui les transformera en commune en juin 2014. A partir de 1996 des centres secondaires d’état civil ont été créés et placés sous l’autorité des maires de commune d’arrondissement. Une déclaration ne pouvant être faite dans ces structures avant 1996 même pour les cas d’autorisation de déclaration tardive de naissance. A titre d’exemple, à Keur Massar, des milliers de numéros de carte d’électeurs antérieures à 1996 ont été décelées.
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Exemple : l’électeur SANOU FAYE né à KEUR MASSAR ayant la carte n° 105876518 et le N.I.N n° 1 929 1945 00132 signifie qu’il est déclaré au centre d’état civil de Keur Massar en 1945 et que son numéro de registre est 00132. Ce qui est impossible dans la mesure où le centre d’état civil de Keur Massar n’a été créé qu’à partir de 1996. Dès lors, l’électeur Sanou FAYE est aussi un électeur fictif. Il a été introduit et rattaché frauduleusement à l’état civil de Keur Massar.
3. Des numéros d’acte d’état civil dépassant le numéro de clôture du registre.
A la fin de chaque année, le juge de l’état civil du tribunal de première instance du département clôture le registre après la dernière déclaration de naissance au 31 décembre de l’année en cours conformément à l’article 39 du code de la famille. La consultation du fichier de l’état civil du centre principal d’état civil de Dakar a permis de déceler plusieurs manipulations du fichier électoral. Exemples : 1- L’année 1991 a été clôturée avec l’acte de naissance n°4515 au 31/12/1991, cela signifie qu’un électeur ne peut pas avoir un numéro N.I.N dont le dernier groupe de chiffres dépasse 04515. Dans le fichier électoral plusieurs dizaines de milliers d’électeurs déclarés au centre principal d’état civil de Dakar ont été trouvés dépassant ce numéro. L’électeur (fictif) MAME MOR THIAM né le 20/12/1991 à DAKAR ayant la carte n° 106536841 et la N.I.N n° 1 751 1991 09840 a un numéro de registre qui dépasse le numéro de clôture du dernier registre arrêté par le tribunal, à savoir 04515. Le numéro de registre de Mame Mor THIAM n’existe pas mais il en est de même pour tous les numéros qui se situent entre 04515 et 09840. Rien que sur cet intervalle, le Ministère de l’intérieur a créé 5325 électeurs fictifs avec de faux registres. C’est le même constat fait avec les autres registres des autres années. 2- L’année 1992 a été clôturée avec l’acte de naissance n°9200 au 31/12/1992 cela signifie qu’un électeur ne peut pas avoir un numéro N.I.N dont le dernier groupe de chiffres dépasse 09200. Dans le fichier électoral des dizaines de milliers d’électeurs déclarés au centre principal d’état civil de Dakar ont été trouvés dépassant ce numéro. MAMADOU ALIOU SOW est un électeur fictif déclaré né le 18/09/1992 à DAKAR, ayant la carte n° 980246895 et le N.I.N n° 1 751 1992 24148 et votant à BRAZAVILLE avec un numéro de registre qui n’existe pas. 3- L’année 1993 a été clôturée avec l’acte de naissance n°5247 au 31/12/1993 cela signifie qu’un électeur ne peut pas avoir un numéro N.I.N dont le dernier groupe de chiffres dépasse 05247. Pourtant, dans le fichier électoral des dizaines de milliers d’électeurs déclarés au centre principal d’état civil de Dakar ont été trouvés dépassant
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ce numéro. L’électeur SAMBA GADJIGO est encore un électeur fictif. Il est déclaré dans le fichier né le 30/12/1974 à BOUTANDA RIM, ayant la carte n° 980022167, le N.I.N n° 1 751 1993 19117 et votant à Paris. Son numéro de registre n’existe pas, car dépassant le dernier numéro légal enregistré au tribunal, c’est à dire 05247.
4. Des codes inexistants dans le répertoire de codification.
L’audit du fichier électoral par nos experts a permis de déceler plus de 106 codes d’état civil inexistants dans le document du ministère de l’intérieur. Le tableau ci-après en présente les détails. Exemple : existence d’un centre fictif à Dakar portant la codification alphanumérique 753 Centre de l’Avenue Emile Badiane (tantôt Ministère des Affaires Etrangères) qui n’est rattaché à aucune collectivité territoriale.
CODE
Nombre d’électeurs CODE
Nombre d’électeurs 699 14319 985 41 713 13120 787 38 434 8327 789 35 182 8203 805 32 709 7977 816 32 886 6790 812 30 717 6509 986 30 808 6000 795 27 896 5059 951 27 723 4695 971 27 720 4441 799 24 703 4225 811 22 724 3879 983 21 973 3558 975 19 715 3459 995 19 822 3213 802 16 722 3130 784 15
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702 2661 796 15 779 2282 807 15 994 1672 825 14 790 1602 806 12 827 1167 823 12 819 734 981 12 786 695 919 11 783 683 976 11 993 475 792 10 984 442 997 10 953 440 798 9 978 352 814 9 955 319 820 9 800 297 967 9 989 292 726 8 788 265 0 7 785 256 804 7 972 248 727 6 959 245 957 6 999 226 963 6 791 224 338 5 810 189 803 5 956 143 813 5 -12 139 712 4 809 123 818 4 964 123 824 4 797 119 826 4 78 117 987 4 982 115 705 3 793 92 969 3
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815 90 991 3 874 85 725 1 821 77 817 1 801 76 974 1 -11 67 977 1 794 53 988 1
5. L’inscription massive d’électeurs par audience foraine.
Les audiences foraines sont traditionnellement organisées par le ministère de la justice en rapport avec les tribunaux d’instance, les préfectures et les collectivités locales avec une communication et une information à l’échelle nationale. Il a été relevé que des audiences foraines ont été organisées dans le Fouta (régions de Saint-Louis et Matam) sans aucune forme de communication. Cela a permis de gonfler l’électorat de plusieurs départements de cette zone. A titre d’exemple, la commune de BOKE DIALOUBE dans le département de Podor a enregistré 381 inscriptions par audience foraine en 2013, 533 en 2014, 929 en 2015, 204 en 2016, 874 en 2017, soit un total de 2921 cas en cinq ans ce qui est matériellement impossible. Le tribunal départemental de Podor ne dispose bien évidemment pas de moyens matériels et humains lui permettant de traiter 2921 cas dans une seule des 22 communes du département de Podor en cinq ans.
6. L’attribution de doublons sur le fichier électoral en mode bis- repetita.
La DAF s’est arrogé la prérogative de créer des doublons dans le fichier électoral par rapport à l’état civil en ajoutant le chiffre 2 à la fin du numéro de N.I.N si deux personnes détiennent le même acte d’état civil. En inventant au moyen de doublons imaginaires des cartes d’électeurs la DAF est non seulement dans l’illégalité mais dans le ridicule : le propre d’un état civil c’est d’être exclusif à la personne qu’il identifie ! Or il a été recensé dans le fichier électoral 155 248 doublons, c’est-à-dire des électeurs avec des N.I.N à 14 et non à 13 chiffres. Ces électeurs, outre leur nature d’électeurs fictifs, phagocytent le fichier car reprenant exactement le vrai N.I.N d’électeurs existant réellement mais en les dénaturant avec le chiffre 2 à la fin, et ce, avec un nom et prénom (s) distincts.
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Les exemples suivants illustrent le mode opératoire de la fraude aux N.I.N en mode bis-repetita: 1. L’électeur YOUMAISSE SY né le 18/10/1938 à PODOR ayant la carte n° 102646612 et le N.I.N n°2 306 1973 00099 et l’électeur ABSA WONE née le 05/06/1973 à PODOR ayant la carte n° 105568876 et le N.I.N n° 2 306 1973 00099 2 sont supposés détenir le même acte d’état civil. 2. L’électeur MOHAMADOU DJIBY PAM né le 13/03/1952 à GUIA ayant la carte n° 4100418380 et le N.I.N n°1 316 1978 00085 et l’électeur AMADOU SOW né le 15/06/1959 à AGNAM ayant la carte n° 102610721 et le N.I.N n° 1 316 1978 00085 2 sont supposés détenir le même acte d’état civil.
7. Des électeurs dont le lieu de naissance est « Sénégal »
Dans la pratique frauduleuse de l’administration électorale, il a été relevé plusieurs électeurs dont le lieu de naissance dans le fichier électoral est « Sénégal ». Ce qui est impossible car le lieu de naissance doit être une ville. La liste ci-après présente un échantillon de cette catégorie d’électeur : 101967699 1420199600044 OMAR CISSE 06/02/1976 SENEGAL 106805147 2056199200663 LALO BALDE 25/01/1960 SENEGAL 980201825 2751200303466 KIMBERLY CHRISTINE PREIRA 03/04/1996 SENEGAL 103594197 2778198101203 FATOUBINETOU DIOUF 13/03/1981 SENEGAL 101025271 1186199900345 OUSMANE BALDE 25/01/1945 SENEGAL 106248755 2056199200707 ADAMA BALDE 21/04/1972 SENEGAL 101131823 1062199204609 AHMADOU DIALLO 31/12/1952 SENEGAL 101074619 2899199701576 BINTA DEMBA DIALLO 12/08/1947 SENEGAL 106268576 2285199701101 DIARY CAMARA 03/03/1979 SENEGAL 980125699 1843200400314 TAHIROU BARRY 15/11/1987 SENEGAL 106419259 2757198102180 FATIM GUEYE 08/11/1981 SENEGAL 102151962 2112198400172 GOUNDO KAIRA 01/08/1984 SENEGAL 980119985 2845199300674 RAHAMATA DIAKHITE 26/01/1989 SENEGAL 101029763 1069199203404 BOKINTY BALDE 07/12/1940 SENEGAL 101289731 2069199203401 TENING BALDE 05/05/1972 SENEGAL 100417693 1717200100215 ALIOU DIALLO 05/11/1985 SENEGAL 101800383 1261198101030 OUSMANE DIALLO 01/11/1981 SENEGAL
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106452588 2912199400511 MARIEME DIAW 09/04/1982 SENEGAL 102897533 1650198100237 ALASSANE DIENG 02/04/1960 SENEGAL 103864604 1619197606757 SIDY SY 31/12/1950 SENEGAL 101367320 2484198300208 AMINATA GUEYE 14/10/1983 SENEGAL 100219959 1702199900020 AMATH NDAO 10/04/1973 SENEGAL 980193738 1271196200176 OUSMANE NDIAYE 02/07/1962 SENEGAL 100223315 2680198100359 KHADY FALL 27/07/1981 SENEGAL 980048136 1751195711269 SAAD BOU ALAIN TOURE 26/09/1957 SENEGAL 980016734 2751197802366 HODA SOUEIDAN 03/06/1978 SENEGAL 104019866 2699197900328 FATOU SY 24/07/1979 SENEGAL 104312274 1476197700392 MOUSTAPHA SYLLA 15/07/1977 SENEGAL 105266238 1757199203925 ABDOU MANE 18/08/1972 SENEGAL
B. Les atteintes portant sur les opérations de vote
Il s’est passé quelque chose d’inédit dans l’histoire électorale du Sénégal et qui, à elle seule, enlève toute crédibilité à l’ensemble du scrutin du 24 février. Le fait est d’autant plus inédit qu’il s’est déroulé au moment même où le scrutin venait à peine de commencer, mais aussi et surtout il impliquait toutes les autorités administratives ayant la responsabilité de garantir la sincérité du scrutin, du Ministre de l’intérieur jusqu’au sous-préfet en passant par la CENA. Le 24 février 2019, le Ministre de l’Intérieur, par délégation, a pris deux (2) actes extrêmement graves intitulés « MESSAGE DEPART », estampillés « TRES URGENT » et dont leur contenu modifie sensiblement le régime des opérations de vote tel que préétabli par le Code électoral. Dans le premier texte nommé « MESSAGE DEPART » n°66/RACS proposé par le Directeur de la DAF et approuvé par le Ministre de l’intérieur sous la signature du Secrétaire Général du Ministère agissant par délégation, on peut lire : « Pour permettre à tous les détenteurs de carte d’identité biométrique CEDEAO faisant office de carte d’électeur mais n’ayant pas retrouvé leur nom sur la liste d’émargement du bureau indiqué sur sa carte STOP Instruire tous les Présidents de Bureau de vote d’informer les concernés qu’ils votent dans le dernier bureau du lieu de vote où son nom figure sur la liste d’émargement STOP/FIN. /- » Dans le second texte nommé « MESSAGE DEPART » n°68/RACS présenté par le Directeur des élections, il dispose : « En solutions aux nouveaux cas de non-conformité entre carte d’électeur et liste d’émargement STOP Instruire les présidents des bureaux de vote que
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lorsqu’un électeur ne se trouve pas dans la liste d’émargement du bureau de vote indiqué sur la carte d’électeur STOP Il (cet électeur) peut voter dans tout bureau du lieu de vote ou son nom figure sur la liste d’émargement STOP ET FIN » La première chose qui frappe dans ces actes inexcusables à ce niveau de responsabilité c’est que leurs auteurs rechignent d’assumer leurs actes en refusant de les mettre dans une catégorie connue des actes administratifs (arrêté, circulaire…). Ce qui n’a pas pour autant empêché à l’auteur de l’acte, qui n’est autre que le Ministre de l’Intérieur, à rendre son application obligatoire par l’administration territoriale et la CENA. Mais à part du moment où ces actes tendent à modifier l’ordonnancement juridique et le régime de vote en vigueur, il y a lieu conformément à la jurisprudence administrative sénégalaise de les considérer comme des actes administratifs. Ces actes administratifs nommé « MESSAGE DEPART » pouvaient-ils modifier, le jour même du scrutin, le régime des opérations de vote tel que préétabli par le Code électoral ? Pour plusieurs raisons, du reste évidentes, la réponse est négative. Incompétence manifeste, vice de forme, vice de procédure, défaut de base l’égale et détournement de pouvoir résument l’illégalité ces deux « Messages Départ ». 1. L’illégalité formelle des « Massages Départ »
D’abord, d’un point de vue formel, il y’a une incompétence manifeste du Ministre de l’intérieur qui rend l’acte complètement illégal. Ce dernier ne tire ni de la loi ni d’aucun autre texte juridique en vigueur la compétence d’autoriser à un électeur, sous prétexte qu’il n’a pas vu son nom sur la liste d’émargement du bureau indiqué sur sa carte, de voter dans un autre bureau que celui figurant sur sa carte d’électeur. Le Ministre ne dispose pas d’une telle compétence ; et à ce propos, le code électoral en son article L. 66 est sans appel : « La liste des bureaux de vote sur l’ensemble du territoire national est définitivement arrêtée et publiée trente (30) jours avant le scrutin par le Ministre chargé des Elections sous la supervision et le contrôle de la C.E.N.A. Elle ne peut faire l’objet d’aucune modification. » Considérant que la liste des bureaux comprend aussi bien le nombre fixe de bureau qu’il y a dans chaque lieu de vote ainsi qu’un nombre déterminé d’électeurs dans chaque bureau figurant dans la liste d’émargement ; considérant que l’article L.66 ne prévoit en aucun cas la possibilité de modifier une telle liste dès lors qu’elle a fait l’objet de publication, il y a lieu de constater l’évidente incompétence du Ministre de l’intérieur à prendre un tel acte, et de surcroit, le jour même du scrutin. Avec l’article L.66 et son caractère absolu (« aucune modification ») l’autorité administrative n’avait pas le choix. La carte électorale est intangible dès lors qu’elle a été publiée. L’autorité administrative est incompétente pour envisager n’importe quelle forme de modification à son propos : augmentation ou diminution du nombre d’électeurs sur la liste déjà publiée, délocalisation de bureaux de vote ou déplacement de lieux de vote.
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En 2012, l’annulation de certains bureaux de vote à Bignona pour cause de déplacement de bureaux de vote après publication de la carte électorale a été confirmée par au Conseil constitutionnel, et ce sur la base de l’argument de l’incompétence. D’après le juge constitutionnel : « Considérant que l’article L.66 du Code électoral dispose que : « La liste des bureaux de votes sur l’ensemble du territoire national est définitivement arrêtée et publiée trente jours avant le scrutin par le Ministre chargé des élections sous la supervision et le contrôle de la CENA. Elle ne peut faire l’objet d’aucune modification. » ; qu’il ne résulte ni de ce texte, ni d’aucune autre disposition légale le pouvoir pour le préfet de déplacer un lieu de vote ; que la force majeure ou l’état de nécessité invoqués, faute d’éléments constitutifs, ne sauraient prospérer ; ».38 Cette jurisprudence du Conseil constitutionnel fondée sur l’article L.66 permet aisément d’établir l’incompétence à la fois temporelle et matérielle du Ministre de l’intérieur à modifier la carte électorale et le régime des opérations de vote le jour du scrutin. Ensuite, les actes ou les deux « Message Départ » en cause sont illégaux car ils ne sont pas motivés. L’obligation de motiver un acte administratif est une règle élémentaire de l’Etat de droit. Sans motivation comment contrôler de la rationalité de l’administration ? En l’espèce, il s’agissait, justement, de cacher une certaine rationalité frauduleuse d’où le refus de motiver les actes. Considérant que le Ministre ne vise aucun texte pertinent au soutien de ses deux « Messages départ » ; considérant que selon l’article L.66 du code électoral, « Les demandes de suppression, de modification et de création de lieux de vote doivent être dûment motivées » ; étant entendu qu’aucune motivation n’a été associée aux actes en cause, il y’a lieu de constater qu’ils sont entachés de vice de forme. Enfin, peut-on aussi parler d’actes entachés de vice de procédure, car selon le l’article L.66 du code électoral toute demande de modification de la carte électorale doit « recevoir le visa obligatoire de la C.E.N.A. Le comité électoral est tenu informé du sort réservé aux propositions de modification de la carte électorale. » La condition du visa de la C.E.N.A. et l’obligation d’informer les comités électoraux, dont La coalition IDY 2019 était membre, n’ayant pas été respectées au préalable, il ne fait aucun doute que le Ministre a sciemment fait dans l’arbitraire. 2. L’illégalité matérielle des « Messages Départ »
Dans le fond, ces actes souffrent aussi d’une autre forme d’illégalité : ils n’ont absolument aucune base légale fondée et révèlent un détournement manifeste de pouvoir Considérant que les dispositions pertinentes du code électoral relatives à l’acte de vote nous avons pour les besoins de l’espèce les articles suivants : Article L.78 : « A son entrée dans le bureau de vote, l’électeur doit présenter sa carte d’électeur. (…)»
38 Conseil constitutionnel, Décision sur les affaires n° 17 et 18-E-2012 du 6 mars 2012 affaires n° 17 et 18-E-2012, considérant n°12.
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Article L.81 : « Le vote de l’électeur est constaté par sa signature (…). La liste d’émargement détenue par le président du bureau de vote fait foi au même titre que celui détenu par le contrôleur de la C.E.N.A. Le vote de l’électeur est constaté par sa signature ou, s’il ne sait pas signer, par l’apposition de son doigt trempé dans l’encre indélébile, sur la liste électorale en marge de son nom. » De la combinaison de ces deux dispositions, il faut retenir : d’une part, et cela va de soi, que la liste d’émargement est l’équivalent ou la copie conforme de la liste électorale (du bureau de vote) avec la seule différence qu’elle comporte une colonne destinée à recevoir la signature de l’électeur. D’autre part, et c’est la règle qu’il faut retenir, pour voter, il faut être inscrit, donc figurer sur la liste d’émargement et avoir sa carte d’électeur. Ce qui veut dire que l’électeur doit impérativement satisfaire ces deux conditions cumulatives au moment même du vote.39 En d’autres termes ne peut voter que l’électeur qui présente sa carte d’électeur et qui figure sur la liste d’émargements. Considérant par conséquent : • qu’un électeur sans carte d’électeur ne peut en aucun cas voter ; • qu’un électeur qui détient sa carte d’électeur mais dont le nom ne figure pas sur la liste d’émargement du bureau indiqué sur sa carte d’électeur n’est pas non plus admis à voter (à l’exception du vote hors bureau originel (article L.69 et L.331) • Qu’en l’absence de concordance entre des données figurant sur la carte d’électeur et celles figurant sur la liste d’émargement l’électeur ne peut non plus voter Considérant qu’avec le « MESSAGE DEPART » n°66/RACS, le Ministre de l’Intérieur s’est permis de modifier le régime de vote fixé par le législateur en autorisant à tout « (…) électeur n’ayant pas retrouvé son nom sur la liste d’émargement du bureau indiqué sur sa carte de voter dans le dernier bureau du lieu de vote où son nom figure sur la liste d’émargement » ; Considérant que pour compléter et élargir le champ d’application du « MESSAGE DEPART » n°66/RACS, le Ministre de l’Intérieur a pris le même jour le « MESSAGE DEPART » n°68/RACS et en vertu duquel il autorise, sans se baser non plus sur aucun texte pertinent et en violation de la loi, qu’en « …cas de non-conformité entre carte d’électeur et liste d’émargement …cet électeur peut voter dans tout bureau du lieu de vote ou son nom figure sur la liste d’émargement.»
39 La partie réglementaire du code électoral reprend cette règle à travers les dispositions suivantes : « Article R.68. – Nul ne peut être admis à voter, s’il n’est pas inscrit sur une liste électorale. Article R.69. – Avant d’être admis à voter l’électeur doit présenter au président du bureau de vote, sa carte d’identité biométrique CEDEAO faisant office de carte d’électeur. Article R.116. – Nul ne peut être admis à voter, s’il n’est inscrit sur la liste électorale de la Juridiction. Article R.71. – Après le vote de tout électeur, la liste d’émargements est estampillée du cachet « A VOTE » et d’un timbre portant la date du scrutin. »
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Considérant ainsi que le ministre a sciemment ignoré le principe selon lequel un électeur qui détient sa carte d’électeur mais dont le nom ne figure pas sur la liste d’émargement du bureau indiqué sur sa carte d’électeur n’est pas non plus admis à voter à l’exception du vote hors bureau originel En effet au regard de la loi, l’exception à ce principe ne s’applique qu’à certaines catégories (militaires, magistrats, etc.) limitativement énumérées par les articles L.69 et L.331 du code électoral40. Considérant en outre que dans le premier texte nommé « MESSAGE DEPART » n°66/RACS, le Ministre de l’Intérieur donne instruction aux Présidents des bureaux de vote d’informer les électeurs n’ayant pas vu leur nom sur la liste d’émargement du bureau indiqué sur leurs cartes d’électeur qu’ils ont la possibilité de voter dans le dernier bureau du lieu de vote où son nom figure sur la liste d’émargement ; Considérant qu’une telle instruction du Ministre n’a pas de base légale pour au moins deux raisons ; Considérant que le Ministre n’a pas le pouvoir de modifier le nombre maximal d’électeurs que la loi électorale en son article L. 66 fixe à 600 électeurs par bureau de vote ; considérant qu’en permettant aux électeurs n’ayant pas vu leur nom sur la liste d’émargement du bureau indiqué sur leurs cartes d’électeurs respectives de voter dans le dernier bureau du lieu de vote, l’application de cet acte ou « Message départ » est susceptible d’augmenter de façon illimitée le nombre d’électeurs et de violer la règle législative qui limite le nombre d’électeurs dans chaque bureau à 600 électeurs ; par conséquent la décision du ministre manque totalement de base légale. La même forme d’illégalité frappe le second « Message départ » n°68/RACS. En instruisant tous les Présidents de Bureaux de vote d’informer cette catégorie d’électeurs introuvables dans les listes d’émargements correspondant pourtant à leurs bureaux de vote figurant sur leurs cartes d’électeurs qu’ils peuvent « voter dans le dernier bureau du lieu de vote où son nom figure sur la liste d’émargement », le Ministre envisage une 40 En vertu de ces deux articles, le vote hors bureau originel ou bureau inscrit sur la carte d’électeur est permis : – aux membres des bureaux de vote régulièrement inscrits sur les listes électorales de voter dans les bureaux où ils siègent sur présentation de leur carte d’électeur ; – aux délégués de la Cour d’Appel de voter dans des bureaux de vote qu’ils contrôlent, dans les mêmes conditions que les superviseurs, les contrôleurs de la CENA et les membres des bureaux de vote ; – aux journalistes en mission de reportage le jour du scrutin, aux chauffeurs requis pour le transport du matériel électoral et des membres des bureaux, de même qu’aux contrôleurs de la CENA régulièrement inscrits sur une liste électorale de voter dans les mêmes conditions. Ceux-ci doivent être munis d’un ordre de mission spécial ; -aux Gouverneurs, Préfets, Sous-préfets ainsi que leurs adjoints de voter dans n’importe quel bureau de vote de leur circonscription administrative, à condition qu’elles soient régulièrement inscrites sur une liste électorale ; -aux militaires et paramilitaires en opérations sur le territoire national et à ceux préposés à la sécurisation du scrutin, de voter dans les mêmes conditions et selon les mêmes modalités que les journalistes en mission de reportage. Ils doivent être régulièrement inscrits sur une liste électorale.
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hypothèse aussi fantaisiste qu’improbable ! L’hypothèse est fantaisiste dans la mesure où elle occulte une question primordiale : une personne qui n’est pas sur la liste d’émargement peut-elle se prévaloir d’être réellement dans le fichier électoral par le seul fait de disposer d’une carte d’électeur ? Cette personne peut bien faire l’objet de radiation ? A partir du moment qu’une telle hypothèse n’a pas été envisagée par le législateur, le ministre de l’intérieur ne peut non seulement pas en créer ex-nihilo encore moins en tirer des conséquences juridiques opposables aux Présidents de bureaux. L’hypothèse est aussi improbable. En effet, considérer dans ce cas-ci que le vote de l’électeur ‘‘égaré’’ se fera dans le dernier bureau du lieu de vote où son nom figure sur la liste d’émargement est un paradoxe suspect. Comment le Ministre pouvait-il savoir, de surcroit le jour du scrutin, que tous les électeurs égarés (titulaires de cartes mais ne figurant pas dans les listes d’émargements des bureaux figurant sur leur cartes) trouveraient leurs noms précisément dans la liste d’émargement du dernier bureau du lieu de vote ? Le Ministre n’a-t-il pas d’ailleurs avoué par cette hypothèse invraisemblable la pratique du transfert illégal et forcé d’électeurs ? En tout cas cette hypothèse que prend en compte ce « Message Départ » n°66/RACS n’a jamais été envisagée par la loi électorale et par conséquent n’a aucune base légale. En prétendant vouloir régler un problème des électeurs disposant d’une carte d’électeur mais n’ayant pas leurs noms sur les listes d’émargements, le Ministre de facto a pris la place du législateur. Ce dernier en posant le principe de l’intangibilité de la carte électorale aux termes de l’article L.66 du code électoral a verrouillé la possibilité de modifier substantiellement le régime des opérations électorales. La seule exception au principe c’est le code électoral qui l’envisage et ne concerne que les titulaires d’ordre de mission qui pour des raisons légales et professionnelles ne peuvent voter dans les bureaux de vote figurant sur leurs cartes d’électeurs. C’est à ceux-là seulement que la loi électorale, en son article L. 69 autorise d’ajouter leurs données électorales initiales sur « la liste d’émargement et sur le procès-verbal d’un [autre bureau que celui qui leur a été initialement affecté] afin qu’ils soient retranchés de la liste électorale de leur circonscription pour le décompte des électeurs. » Le même reproche doit être adressée au « Message Départ » n°68. Ce dernier envisage elle aussi, ex nihilo, une hypothèse introuvable dans la loi électorale tout en y rattachant des conséquences juridiques. Comme pour compléter le MESSAGE DEPART n°66/RACS qui envisage que l’électeur égaré peut voter dans le dernier bureau de son lieu de vote, le MESSAGE DEPARTn°68 amplifie son champ d’application en permettant à cette catégorie d’électeurs en cause de voter dans tout autre bureau de vote où son nom se trouverait dans la liste d’émargement correspondante. En clair, pour le Ministre de l’intérieur, dès lors qu’un électeur ne voit pas son nom figurer sur la liste d’émargement du bureau qui lui est indiqué sur sa carte d’électeur, il est en droit de voter dans les 1539641 autres bureau de vote si son nom figure
41 La carte électorale compte 15397 bureaux de vote dont 14651 sur le territoire national et 746 bureaux à l’étranger. V. http://dge.sn/sites/default/files/2019-02/Tableau_Repartition_Electorat.pdf
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dans l’une quelconque les listes d’émargements de ces 15396 autres bureaux de vote que compte le fichier électoral ! C’est du jamais vu dans l’histoire électorale du Sénégal ! Ainsi, lorsqu’une personne habitant Diourbel et dont les données électorales figurant sur sa carte d’électeur spécifient qu’il doit voter à Diourbel mais ne trouve pas son nom dans la liste d’émargement de son bureau de vote à Diourbel, cette personne dont le nom se retrouve comme par ’’hasard’’ dans la liste d’émargement d’un bureau de vote à Dakar pourra voter dans ce bureau à Dakar ! Ce faisant, le Ministre a non seulement modifié le code électoral mais surtout ordonné l’application d’une règle inexistante en droit électoral sénégalais. Outre ces quatre (4) formes d’illégalité qui frappent ces deux « MESSAGE DEPART», à savoir l’incompétence, vice de forme, vice de procédure et le défaut de base légale, il y a aussi un réel détournement de pouvoir. Une question fondamentale permet d’établir, sans trop de difficultés, le détournement de pouvoir : Comment le Ministre peut-il savoir que le nom de l’électeur égaré se trouve dans un autre bureau et dans une autre liste d’émargement autre que ceux correspondants aux données pourtant spécifiées sur sa carte d’électeur ? En envisageant ces deux « MESSAGE DEPART » le Ministre de l’intérieur ainsi que ses collaborateurs s’accusent, sans peut-être même s’en rendre compte, dans ce qu’il leur a été reproché, à savoir une manipulation délibérée et à des fins politiciennes du fichier électoral en général et de la carte électorale en particulier. Autrement-dit, ces deux actes révèlent de façon claire un des stratagèmes déployés afin de favoriser le candidat au pouvoir. Sinon comment comprendre que le jour du scrutin le Ministre puisse soutenir que les électeurs qui ne sont pas sur les listes d’émargements de leurs bureaux figurant sur leurs cartes d’électeurs voteront au dernier bureau de leur lieu de vote et qu’ils trouveront leur nom sur ce dernier bureau ? Si le ministre savait à l’avance que cette catégorie d’électeurs trouverait leurs noms dans le dernier bureau de vote de chaque lieu de vote (contrairement à ce qu’indique leurs cartes d’électeurs) cela signifie qu’il a eu transfert ciblé et forcé d’électeurs vers ces derniers bureaux de vote ! La même interrogation s’applique au « MESSAGE DEPART » n°68/RACS qui ne renvoie pas au dernier bureau de vote du lieu de vote de l’électeur égaré mais n’importe quel autre bureau ou son nom figure sur la liste d’émargement. Là aussi, il convient de se demander qu’est-ce qui peut bien expliquer cette distorsion des données électorales d’une même personne : sa carte d’électeur mentionne des données électorales distinctes à celles figurant sur le fichier électoral qui permet de tirer justement les listes d’émargements. Il ne fait pas de doute que le fichier étant un document informatisé, un automate, il n’obéit qu’aux ordres de celui qui en a la garde, à savoir la DAF et donc le Ministre. Il y a détournement de pouvoir pour la bonne et simple raison que les deux « MESSAGE DEPART» n’avaient tout au plus pour but que de capturer non seulement des transferts forcés d’électeurs intra-régionaux mais aussi les transferts supra-régionaux soit dans le cadre des derniers bureaux de vote des lieux de vote, soit dans n’importe autre lieu de vote où l’administration avait décidé arbitrairement de faire figurer les noms des électeurs égarés.
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En clair, les deux « MESSAGE DEPART» s’inscrivent dans une logique de fraude facile à identifier. Il est important de rappeler que dans le cadre du contrôle des listes de parrainages par le Conseil constitutionnel, plusieurs parrainages ont été rejetés pour cause de région de vote non conforme. En réalité, le parrainage a permis de cibler tous les électeurs favorables aux partis d’opposition. C’est justement ce qui a permis le transfert massif et forcé d’électeurs présumés favorables à l’opposition, soit d’un lieu de vote à un autre ou de façon plus radicale d’une région de vote à une autre. Sans oublier qu’aussi ces transferts forcés menés par la DAF ont parfois été faits sur la simple base que la zone du lieu de vote n’est pas favorable à la coalition au pouvoir. Ces « MESSAGE DEPART », autant ils ont confirmé qu’il y a eu une manipulation planifiée du fichier électoral, autant ils ont concrétisé la ferme volonté du Ministre de l’intérieur de favoriser par des procédés illégaux son candidat. Au total, incompétence manifeste, vice de forme, vice de procédure, défaut de base l’égale et détournement de pouvoir résument l’illégalité qui caractérise ces deux « Messages Départ ». Dans l’histoire électorale du Sénégal, il n’est pas possible de se rappeler d’actes aussi graves et désinvoltes posés le jour même du scrutin afin de modifier le régime des opérations de vote tel que défini par le Code électoral. La fatuité avec laquelle ces actes ont été pris n’a, en réalité, d’égal que le peu de considération que la coalition au pouvoir a pour l’Etat de droit et la démocratie.
III. Concertations sur le processus électoral : quelques propositions pour assurer la sincérité et l’intégrité des échéances électorales à venir
L’élection est le mode de dévolution démocratique du pouvoir politique dans notre ordre constitutionnel. Avec la réforme constitutionnelle issue du référendum du 20 mars 2016, elle est devenue un critère même de notre identité nationale. Mais, en réalité, c’est depuis l’avènement de la pratique du pluralisme politique réel que la question électorale est devenue une question nationale d’importance fondamentale dont le traitement juridique, institutionnel et politique est principalement fondé sur le principe régulateur du consensus politique. La Constitution concrétise d’ailleurs cette donnée fondamentale du droit constitutionnel sénégalais dès son Préambule en proclamant : « La volonté du Sénégal d’être un Etat moderne qui fonctionne selon le jeu loyal et équitable entre une majorité qui gouverne et une opposition démocratique, et un Etat qui reconnaît cette opposition comme un pilier fondamental de la démocratie et un rouage indispensable au bon fonctionnement du mécanisme démocratique. »
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A cet égard la question électorale ne peut plus continuer, comme c’est le cas depuis la seconde alternance, d’être totalement laissée à la discrétion d’un camp politique, fut-t-il celui au pouvoir. C’est la raison pour laquelle, la Coalition Idy 2019, dans le cadre du calendrier électoral et des concertations qu’impliquent dans un Etat démocratique la gestion du processus électoral présente ci-après quelques propositions afin d’assurer la sincérité et l’intégrité des échéances électorales à venir. A. Cadre institutionnel et juridique 1. Propositions générales Recommandation n° 1 : Sortir le régime de déclaration de candidature à la Présidence de la République de son état d’inconstitutionnalité actuel. Le Président de la République est la seule institution dont le mode d’élection est régi par une loi ordinaire. Même le mode de désignation des Hauts conseillers échappe à cette forme de banalisation. La fraude à la Constitution opérée par le Conseil constitutionnel dans sa décision 4C/2017 du 18 janvier 2017 doit être rapidement corrigée afin de sortir de cette incongruité juridique. Une révision de la Constitution et l’adoption d’une loi organique relative au statut du Président de la République s’imposent à cet effet. Recommandation n° 2 : Clarifier aussi bien dans la Constitution que dans la loi organique la distinction entre « candidats à la candidature » et les « candidats à l’élection présidentielle ». Recommandation n° 3 : Suppression du parrainage pour les partis politiques aux élections locales, législatives et présidentielles, notamment par le retour à la situation initiale. Recommandation n° 4 : Confier le contrôle des listes de parrainages à la CENA ; Recommandation n° 5 : Afin d’assurer la prévention des conflits d’intérêt en matière électorale, la coalition exige que soit engagée une réflexion globale sur cette question par la mise en place d’un groupe de travail composé de professionnels et de personnalités neutres, chargés de réfléchir à une stratégie globale de prévention des conflits d’intérêts en matière électorale. 2. Justice constitutionnelle Recommandation n° 6 : Réviser la Constitution et sortir le Conseil constitutionnel de son état de vassalisation par le Président de la République en démocratisant la nomination de ses membres dont deux devraient être nommés par l’opposition. Recommandation n° 7 : Soumettre les personnes proposées à la nomination à une procédure d’audition devant le Parlement ; Recommandation n° 8 : Créer une Commission d’enquête parlementaire sur la transparence du dispositif informatique de contrôle et de vérification des listes de parrainages. Cette commission devra permettre aussi de faire la lumière sur les conditions d’acquisition et de programmation du logiciel ainsi que la transparence de l’appel d’offres ouvert à cet effet.
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B. Administration électorale 1. Ministère chargé des élections. Recommandation n° 9 : Nomination d’une personnalité neutre au poste de Ministre chargé des élections qui aura pour mission de préparer, conduire et organiser les scrutins électoraux et référendaires. Une telle mesure est une condition primordiale afin d’assurer la sincérité des discussions et concertations indispensables sur le processus électoral. Elle exprimera de façon claire la volonté politique de dépasser la gestion partisane du processus électoral. Recommandation n° 10 : Combler le vide juridique relatif à l’article 54 de la Constitution à travers l’adoption d’une loi organique relative au statut du Gouvernement. Ce dispositif devrait permettre de préciser la qualité de membre de Gouvernement et notamment celle de Ministre chargé des élections qui sera incompatible avec tout mandat électif, toute activité professionnelle publique ou privée rémunérée et toute fonction ou appartenance à un parti ou mouvement politique. 2. La DAF. Recommandation n° 11 : Les manipulations du fichier électoral et de la carte ayant été opérées sous la direction de Monsieur Ibrahima Diallo, malgré son profil pénal et sa situation de retraité 2015, il y a lieu de le relever de ses fonctions ; Recommandation n° 12 : La Coalition Idy 2019 recommande vivement la synchronisation au niveau de la DAF des données électorales et les données d’état civil ce qui permettra de se prémunir contre la fraude massive à l’état civil constatée par la CENA et par notre coalition dans le cadre de l’audit du fichier. Recommandation n° 13 : Rattacher la DAF au nouveau ministère à créer chargé des élections. Recommandation n° 14 : Démocratiser la nomination du directeur de la DAF. La nomination du Directeur de la DAF doit se faire par appel à candidature et après avis favorable de l’Assemblée Nationale et pour une durée non renouvelable ; 3. CENA Recommandation n° 15 : La coalition Idy 2019 demande solennellement à la CENA, conformément à ses missions de supervision et de contrôle, de se prononcer sur la légalité des deux « MESSAGES DEPART » n°66/RACS et n°66/RACS pris par le Ministre de l’Intérieur le jour même du scrutin et qui ont remis en cause pour la première fois dans l’histoire électoral un principe pourtant clair, à savoir: pour voter il faut disposer d’une carte d’électeur et être sur la liste d’émargement du bureau inscrit sur sa carte ; L’institutionnalisation rigoureuse de la CENA passera par la consécration de son indépendance. Cette indépendance devra notamment se réaliser au moyen de la restriction du pouvoir de nomination discrétionnaire de l’ensemble de ses membres dévolu au Président de la République. Recommandation n° 16 : Procéder à un renouvellement générationnel sans délai des membres de la CENA et de ses démembrements. Ainsi, exclure les personnes déjà à la retraite dans la gestion de la CENA.
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Recommandation n° 17 : Retenir la nécessité de la modernisation de la CENA face à la technicité grandissante de leurs missions. Dans cette dynamique, il est proposé l’inclusion parmi ses membres au moins deux (2) experts ayant un profil de démographe ou de statisticien électoral. Inclure parmi ces membres au moins trois (3) experts informaticiens ayant respectivement les profils suivants ; un expert-chef de projet en systèmes d’information et biométrie (expert IT-Biométrie), un expert- chef de projet en systèmes d’information (expert IT-Base de données). C. Fichier électoral 1. Enregistrement des électeurs Recommandation n° 18 : Prévoir, en ce qui est de la création de chaque CA, l’obligation pour l’administration territoriale d’informer par courrier recommandé avec accusé de réception les partis politiques. A défaut, le destinataire de l’information devrait être le représentant des partis de l’opposition dûment mandaté. Recommandation n° 19 : Demander à la justice de faire preuve de dextérité afin de vider définitivement, et ce avant l’audit du fichier, le contentieux des faux extraits de naissance avant les prochaines révisions des listes électorales. Recommandation n° 20 : Rétablir le régime initial d’inscription sur les listes électorales avec la suppression de la possibilité de s’inscrire sur la base d’un extrait de naissance. Cette suppression est d’autant plus nécessaire que l’application de la mesure a encouragé le recours massif à de faux extraits de naissance. Recommandation n° 21 : Pour ne pas priver, notamment les jeunes de leur droit constitutionnel de vote juste parce qu’il se sont inscrits dans les commissariats de police, il y a lieu, soit de discuter sur le transfert parallèle des données du demandeur à la Commission Administrative territorialement compétente pour la confection d’une carte en bonne et due forme ; soit de retirer la compétence d’enregistrement à la Police. Le couplage de la CNI et la carte d’électeur rend inadmissible et impertinente l’existence de cartes d’identité avec la mention ‘‘personne non inscrite sur le fichier’’. Mieux encore, cette pratique est illégale au regard de l’article article L.53 du code électoral. En vertu de cette disposition : « La carte d’électeur est couplée à la carte d’identité biométrique CEDEAO. Celle-ci fait office de carte d’électeur. Les données électorales sont mentionnées au verso. » Donc, la carte d’identité sans données électorales n’a aucune base juridique. Recommandation n° 22 : La saisie, la destruction de toutes les cartes d’électeurs dont les titulaires sont mineurs. En même temps, épurer le fichier de ses électeurs mineurs. 2. Audit du fichier électoral Recommandation n° 23 : La coalition Idy 2019 demande un audit intégral et indépendant du fichier électoral. Ainsi elle refuse qu’un tel audit soit confié à un organisme privé étranger comme ce fut le cas avec la Mission d’audit financée par le Ministère des Affaires Étrangères de la République Fédérale d’Allemagne et l’Union Européenne dans le cadre du Projet d’Appui au Processus Électoral (PAPE) du Sénégal, conduit par le Centre Européen d’Appui
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Électoral (ECES). L’audit du fichier par les experts de la Coalition Idy 2019 et dont les résultats sont intégrés au présent Rapport montre de façon évidente que le Centre Européen d’Appui Électoral qui a produit le Rapport de la MAFE 2018 n’a point audité le fichier qui a servi à l’élection présidentielle. Conscient que le régime usera des mêmes stratagèmes afin d’égarer toute mission d’audit indépendant, la coalition Idy 2019, exige l’audit du fichier électoral effectivement délivré aux candidats à la présidentielle. L’audit devrait être confié à un organisme sénégalais indépendant, suite à un appel d’offres ouvert et transparent. Dans le cadre de l’exercice de sa mission, l’audit se fera sous la supervision et contrôle des experts électoraux et informaticiens mandatés par les partis d’opposition, de la majorité et la CENA. L’audit devra notamment établir de façon claire l’unicité ou non du fichier électoral (y compris de la carte électorale). Recommandation n° 24 : Intégrer dans le cahier des charges de l’audit général du fichier électoral un audit démographique ciblé afin d’élucider la situation démographique réelle de plusieurs localités qui ont doublé ou triplé leur électorat depuis 2012 (Matam, Fatick, Podor, etc.) D. Vote 1. Opérations de vote et de dépouillement Recommandation n° 25 : La Coalition IDY 2019 propose le vote anticipé des militaires, magistrats et journalistes au moins une semaine avant le scrutin afin de lutter contre la distribution massive et incontrôlée d’ordres de mission. Recommandation n° 26 : Fixer un nombre minimum d’électeurs que peut contenir un bureau de vote afin de lutter contre les bureaux fictifs et de limiter abris provisoires. Recommandation n° 27 : Fixer un maximum d’abris provisoires au niveau national, départemental, communal. Compte tenu des commodités qu’ils offrent, les établissements publics d’enseignement privé devraient ne plus intégrer la catégorie d’abris provisoires. Recommandation n° 28 : Permettre aux Sénégalais de l’extérieur de voter avec leur passeport, ce dernier étant un document bien sécurisé, lorsque leur nom figure sur la liste d’émargement du bureau de vote concerné. Recommandation n° 29 : La coalition Idy 2019 propose l’introduction du bulletin unique à toutes les élections. Le parrainage ayant montré qu’avec une bonne campagne d’information, le citoyen sénégalais s’adapte rapidement d’autant plus que le procédé se généralise dans tous les pays de la sous-région. Recommandation n° 30 : Afin de limiter la fraude au moment du vote, assurer la présence de bornes biométriques dans les bureaux de vote afin de faciliter l’identification de l’électeur présent.
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2. Transparence, traçabilité et diffusion médiatique des résultats Recommandation n° 31 : Procéder à la révision de cet article L.257 du code électoral (« La proclamation des résultats par la commission nationale de recensement intervient au plus tard à minuit le vendredi qui suit le scrutin. ») devenue plus que nécessaire, et ce pour au moins deux raisons : 1. Un tel délai accordé à la CNRV ne se justifie plus. Compte tenu des moyens dont dispose l’Etat et ceux qu’offre l’avancée technologique, il y a lieu de raccourcir ce délai afin d’assurer la prompte transmission des résultats officieux et leur proclamation officielle ; 2. Ce long délai peut en outre donner lieu, comme cela fut effectif durant la dernière présidentielle, à toutes sortes de manipulations des résultats par une presse manipulée.
Recommandation n° 32 : La mise en ligne des résultats officieux par la CNRV à mesure qu’ils sont centralisés par la Commission Départementale de Recensement des Votes (CDRV) en partenariat avec la CENA. La mise en ligne des résultats officieux par la CNRV permettra de lutter contre le traitement tendancieux des résultats par certains médias, pratique que favorise la remontée des résultats bureau par bureau. Recommandation n° 33 : La Coalition Idy 2019 invite la CNRA à se pencher sur la régulation des sites internet notamment en ce qui concerne le traitement des résultats électoraux. Il a été en effet remarqué durant les dernières élections nationales et des scrutins (référendums, législatives et présidentielle) que certains sites, par manque de personnel, au lieu de reprendre les résultats sortis des bureaux, présentaient des résultats avec comme seule source la coalition au pouvoir. Recommandation n° 34 : Procéder à une évaluation objective et impartiale du travail du Conseil National de Régulation de l’Audiovisuel (CNRA) avec implication des organisations de la société civile, et réviser les législations et règlementations en cours pour parvenir à une plus grande équité dans le traitement médiatique des campagnes électorales, en accroissant les moyens de contrôle et de surveillance de la CNRA d’une part, et en renforçant les peines sanctionnant les manquements, excès et dérives d’autre part. E. Société civile Recommandation n° 35 : Tout en saluant les différentes initiatives de la société civile pour la transparence du processus électoral, la Coalition Idy2019 recommande toutefois qu’elle renforce sa fonction équidistante dans l’appréciation du processus électoral, notamment en ce qui concerne les réformes unilatérales et non consensuelles, marque de fabrique du régime en place. C’est le lieu de rappeler qu’un de ses segments a validé publiquement le dispositif de contrôle des listes de parrainages malgré l’absence injustifiée de la CENA. Malgré quelques fortes réserves elle ne se sera pas suffisamment démarquée de l’application arbitraire et opaque du même dispositif par le Conseil constitutionnel que ce dernier a complètement
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échoué. Ce double discours la décrédibilise et lui donne l’image d’un organe de couverture des lois scélérates.
IV. Les contentieux à déclencher
Recommandation n° 36 : Déclencher le contentieux administratif et pénal du transfert forcé d’électeurs La question du transfert forcé ou non volontaire du lieu de vote des électeurs est une réalité que le contrôle des listes de parrainages a permis d’établir en raison du nombre exorbitant de rejets de signatures sur cette base par le Conseil constitutionnel. Toutefois, il s’agit d’une réalité incertaine au niveau quantitatif, car son échelle d’application par les services de la DAF, c’est-à-dire le nombre d’électeurs concernés, est encore inconnu. Pour se faire, il y a lieu de : Sensibiliser les candidats à la candidature membres de la Coalition Idy 2019 et ayant déposé des signatures au titre de la procédure du parrainage à identifier, et surtout, à collecter toutes leurs signatures qui ont été rejetées sur cette base par le Conseil constitutionnel. Il ne fait pas de doute que c’est un acte de volonté que d’attribuer à l’avance un électeur dans un bureau de vote (lequel est mentionné expressément sur sa carte d’électeur) et en même temps faire figurer son nom dans une autre liste d’émargement d’un autre bureau de vote situé dans un autre lieu de vote, centre ou région de vote. Centraliser lesdites données sur le transfert forcé d’électeurs. Trois approches sont susceptibles d’être prises. La Coalition Idy 2019 pourra entreprendre les premières actions soit de façon alternative ou cumulative : Action n°1 : sur la base des données disponibles et qui établissent le transfert non volontaire d’électeurs engager un procès au pénal contre le Ministre de l’Intérieur et le Directeur de la DAF pour transfert illégal d’électeurs de leur lieu de vote. A cet effet, les infractions impliquées dans le transfert illégal d’électeurs sont : i. Faux en écriture publique sanctionné par l’article 132 du code pénal ;
ii. Faux commis dans certains documents administratifs (ici cartes d’électeurs) puni par l’article 137 du code pénal ;
iii. Privation de droit de vote, laquelle infraction est considérée comme une dégradation civique et sanctionnée par l’article 27 paragraphe 2) du code pénal ;
iv. Attentat à la liberté puni par l’article 106 alinéa 1 du code pénal : « Lorsqu’un fonctionnaire public, un agent, un préposé ou un membre du Gouvernement, aura ordonné ou fait quelque acte arbitraire, ou attentatoire soit à la liberté individuelle, soit aux droits civiques d’un ou de plusieurs citoyens, soit à la Constitution, il sera condamné à la peine de la dégradation civique. » En effet, le vote est une liberté
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fondamentale garantit par l’article 8 alinéa 1 de la Constitution au titre des droit civils ;
v. Déformation de données à caractère personnel interdit par l’article 71 de la loi n°2008-12 du 25 janvier 2008 sur la protection des données à caractère personnel ; vi. Détournement de données à caractère personnel interdit par les articles 34, 35 et 36 de la loi sur la protection des données à caractère personnel.
Action 2 : Elle comprend deux étapes : i. Il convient primo, et sans délai, d’exiger au moyen d’une lettre publique adressée au Ministre de l’Intérieur dont l’objet sera l’évaluation et la détermination exactes du nombre de citoyens concernés par la pratique du transfert non volontaires d’électeurs de leur lieu de vote. ii. Secundo, après silence de quatre (4) mois ou à la suite de la réponse expresse du Ministre, introduire en même temps un référé et un recours pour excès de pouvoir contre le Ministre de l’intérieur pour transfert illégal d’électeurs de leur lieu de vote et ce, sur le fondement de l’article L.53 du code électoral. Cette disposition interdit la modification forcée de données électorales sans une demande de l’électeur. On peut lire en vertu de cette disposition qu’ « une demande de modification des données électorales ne peut se faire que devant une commission administrative et pendant la période de révision des listes électorales ».
Recommandation n°37 : Élever le contentieux du transfert forcé d’électeurs au niveau de la Cour de justice de la C.E.D.E.AO Le fichier électoral étant également celui des Cartes d’identité C.E.D.E.A.O du fait du couplage de leur émission (la carte d’électeur constitue le verso de la carte C.E.D.E.A.O), informer les Instances supérieures de la C.E.D.E.A.O de la confection de plus d’un million (1000000) de « vraies-fausses » cartes d’identité C.E.D.E.A.O sur la base de faux états civils. Ce serait le lieu de dénoncer la violation des engagements internationaux notamment l’article 27 du traité portant création de la CEDEAO qui précise la notion de citoyen de la communauté. La Cour de justice de la CEDEAO est compétente car l’institution d’une carte d’identité biométrique constitue la décision majeure adoptée par la quarante sixième (46ème) session ordinaire de la conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) tenue à Abuja le 15 décembre 2014.
Recommandation n° 38 : Faire engager des poursuites auprès des tribunaux compétents (Tribunal d’instance et Tribunal de grande instance) contre les auteurs et complices des fraudes à l’état civil identifiées dans le Rapport suite à l’audit du fichier électoral remis aux candidats à l’élection présidentielle du 24 février 2019. L’officier d’état civil ou un tiers quelconque qui effectue la fraude est puni légalement. Engager la responsabilité pénale des maires impliqués parce que c’est du faux en écriture puni par l’article 137 du code pénal;
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Engager, en vertu de l’article 140 du Code général des Collectivités territoriales, la responsabilité disciplinaire des maires impliqués parce que l’officier d’état civil qui commet de tels actes, peut être suspendu et/ou révoqué par l’autorité administrative (adresser une demande suspension automatique ou de révocation immédiate de tous les maires concernés à cet effet).
Recommandation n°39 : Engager un procès au pénal contre l’administration électorale pour forfaiture Cette PLAINTE POUR FORFAITURE vise à engager la responsabilité pénale des autorités administratives directement impliquées dans la modification du régime de vote le jour même du scrutin au moyen deux actes administratifs nommés « MESSAGE DEPART ». Cette infraction est consacrée et punie par l’article 118 du code pénal et plus précisément au paragraphe 2 du même article s’agissant des ministres et fonctionnaires. Il dispose que : « Seront coupables de forfaiture et punis de la dégradation civique : les Ministres, Gouverneurs, Préfets, Maires, tous chefs de circonscription administrative et autres administrateurs qui se seront immiscés dans l’exercice du pouvoir législatif (…) ». En clair, la forfaiture sanctionne l’immixtion de l’administration dans le législatif. Il y a forfaiture lorsqu’un Ministre ou un administrateur viole le principe de la séparation des pouvoirs.
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