Covid-19 : Mr le Président si vous le permettez.
La première Ordonnance n° 001-2020 du 08 avril 2020 aménageant des mesures dérogatoires au licenciement et au chômage technique durant la période de la pandémie du Covid-19 basée sur la loi d’habilitation législative du Président Macky Sall organise la vie des entreprises dans cette période de crise notamment sur les licenciements et le paiement des salaires des employés. Autrement dit l’ordonnance parle du droit du travail.
La primeur de cette ordonnance dans ce domaine montre en principe la volonté ferme du Chef de l’Etat d’encadrer l’impact de la crise sur les sociétés et de soutenir la relance de l’activité économique.
En parcourant l’ordonnance signée par le Chef de l’Etat le 08 Avril, les employeurs ne retiennent que 02 décisions majeures :
« Aucun employeur ne peut licencier son employé durant la période de la pandémie Covid-19 et de la loi d’habilitation sauf faute lourde ».
Si l’employeur fait recours au chômage technique, il est tenu de payer le salaire de l’employé qui ne saurait être au minimum 70% de son salaire moyen net des 03 derniers mois.
En effet notre Président dans sa démarche oublie que cette situation n’est ni créée ni voulue par les entreprises comme tout le monde elles ont été prises de court.
Quelle est l’entreprise qui souhaiterait se séparer de ses employés de bon gré même si souvent elle peut être contrainte ?
Quelle est l’entreprise qui serait à l’aise du fait de ne pas rémunérer ses employés après le travail effectué ?
Quelle est l’entreprise qui ne voudrait pas en ces temps de crise gagner la fidélité de ses employés pour faire face à l’après Covid-19 ?
Nos PME/PMI, Monsieur le Président proposent à leurs clients un produit ou un service. Pour les entreprises qui proposent un produit, il faudrait analyser la chaîne de valeur pour comprendre le réel impact du Covid-19. Le problème d’approvisionnement se pose suite à la fermeture des frontières à leurs pays fournisseurs d’intrants. Par conséquent, l’activité économique est à l’arrêt ou au ralenti faute d’échanges.
Pour celles qui proposent des services, la baisse de la production des entreprises clientes impacte leurs activités entraînant ainsi la diminution des livraisons et donc de leurs fournitures de services. Par conséquent, l’activité économique est à l’arrêt ou au ralenti.
Même si les entreprises échappent à ces 02 cas, elles font face au manque d’intérêt que les ménages développent vis-à-vis du produit ou du service proposé car préférant, en ces temps de crise, s’orienter vers des produits ou des services de subsistance ou denrées de première nécessité.
Cette décision du Président va forcément créer une situation très délicate et dangereuse pour les employeurs puisqu’elle ne tient pas compte de la réalité que vivent nos entreprises naissantes. Il faut noter d’emblée que les modalités de soutien des entreprises annoncées par le chef de l’Etat ne sont pas encore définies ni précises. On nous parle juste de fonds de soutien aux entreprises. Et pourtant beaucoup de sociétés (PME-PMI) commencent à subir les conséquences difficiles de la crise. La majorité des sociétés dans plusieurs domaines (Transport, Tourisme, hôtellerie, Commerce etc…) a vu leur chiffre d’affaire s’effondrer allant jusqu’à 0 frs.
En demandant aux entreprises de payer les salaires alors qu’elles sont presque en arrêt (activité ralentie), il oublie que ces dernières ne génèrent pas de revenus si elles ne tournent pas. Une entreprise peut bel bien survivre même si elle n’est pas rentable mais elle meurt vite et sans délai à défaut de cash ou trésorerie. C’est à partir de sa trésorerie que l’entreprise fait face aux paiements de ses fournisseurs, ses charges et ses dépenses ponctuelles. Donc sans trésorerie l’entreprise n’existe plus.
Peut-on demander à une entreprise de payer des salaires à des employés alors qu’elle n’a pas de trésorerie ?
On ne peut pas mettre la charrue avant les bœufs Monsieur le Président.
L’Ordonnance organisant la distribution des fonds aux entreprises devait précéder. Avant d’exiger, accompagnez les entreprises d’abord.
En ce qui concerne les entreprises, nous pensons humblement qu’il faut copier le modus operandi du modèle français. C’est un modèle non seulement simple et souple mais de par la structure de notre économie bâtie sur l’Occident nous ne pouvons pas faire outre que ça.
Pour permettre aux entreprises françaises de survivre à cette crise, le gouvernement a mis en œuvre un dispositif exceptionnel de garanties permettant de soutenir le financement bancaire des entreprises, à hauteur de 300 milliards d’euros.
Jusqu’au 31 décembre prochain, les entreprises de toute taille, quelle que soit la forme juridique de l’entreprise (notamment sociétés, commerçants, artisans, exploitants agricoles, professions libérales, micro-entrepreneurs, associations et fondations ayant une activité économique), à l’exception des sociétés civiles immobilières, des établissements de crédit et des sociétés de financement, pourront demander à leur banque habituelle un prêt garanti par l’État pour soutenir leur trésorerie. Copier sur l’Occident ne sera pas un péché.
La meilleure solution n’est pas d’engager un bras de fer avec des entreprises aussi en difficulté que leurs employés mais de trouver les voies et moyens en concertation avec elles de sortir de cette période de crise. C’est l’État qui doit s’engager auprès des banques afin de garantir les prêts que toutes les entreprises qui sont en difficultés solliciteront. Ces prêts permettront ces dernières de renflouer leur trésorerie pour une couverture des charges fixes de l’entreprise pour au moins 3 mois notamment assurer la rémunération des salariés mis en chômage partiel par une allocation couvrant au moins le niveau du smic et pouvant aller jusqu’à plus de 70% de l’ancienne rémunération.
Monsieur le Président, chaque expérience est une leçon et nous espérons que celle de faire confiance aux entreprises nationales pour les marchés à l’avenir est bien apprise.
Khaly Diouf
SG de la CECAR (Cellule des Cadres de Rewmi)